Biobibliographie de Gérard NOIRET
Obsidiane
N° ISBN : 2 911914 58 9
115 pages
15 €
Ce sont des poèmes écrits entre 1985 et 2002 qui composent le huitième livre de Gérard Noiret. Ces poèmes pris dans les choses -de la vie- sont comme des miniatures, des instantanés de l’existence. Le regard est une des voies de passage du monde vers notre vie intérieure et si les poèmes de Gérard Noiret sont très visuels, il ne s’agit là que d’un premier niveau de lecture.
En observateur assidu Gérard Noiret pointe avec acuité les détails, les gaucheries, les désarticulations de notre société contemporaine. Il saisit ces scènes et dé-couvre pour le lecteur, les êtres sous une autre apparence que celle d’une réalité aperçue dans le champ d’un regard. Si on songe à Ponge, dans ce percement du réel et par ce titre, je pense également au cinéaste Claude Sautet et à son film Les choses de la vie. Scènes de vie dans l’espace commun de la ville où les êtres se regardent, se rencontrent, se désirent, tel ce Sisyphe heureux devant cet éclair de 7 H 01 dans le premier des poèmes du livre. Dans ce quotidien là pas de banal mais une vision en contradiction avec ce vocable qui réduit la vie en une morosité mécanique. Sous le regard de Gérard Noiret, de ces scènes, surgit la quintessence des vies. En touches précises, ténues, il éclaire un geste, souligne la lumière d’un regard ou accentue une absence – celle d’une mère dans le poème intitulé Baie vitrée - un précipice parfois dans la trame d’une existence. Il place les protagonistes au centre de la scène de vie. Gérard Noiret aime les êtres. Il les élève et l’être en eux, alors, plus qu’un corps qui se découpe dans notre champ de vision, s’éclaire d’un coup dans une perspective qui réunit l’individuel et l’universel, la nécessité et l‘implicite, le libre-arbitre et la contrainte. Sans doute à ce moment la vérité et la justesse ne sont jamais si près.
La poésie de Gérard Noiret n’est pas monosémique. Ni dans les espaces qu’elle suscite chez le lecteur, ni par la forme qu’elle esquisse par l’organisation du livre, la variété formelle des poèmes ou la nature des vers Dans les poèmes polyphoniques (Incertaines créatures, Dans les réserves,…) on devine une approche du théâtre que Noiret affectionne. Les vers dans ces poèmes – plusieurs soliloques – comme en strates superposées, se frottent, se contrarient et s’agrègent vers un sujet absent : l’ellipse d’un destinataire que le lecteur investi. Ce qui est évoqué ici l’est à partir des propositions de vers qui se complètent par touches, en sujétions ou en affirmations, nous rappelant que nul ne possède la vérité et que la justesse, - celle de l’approcher au plus près - réside dans les voix de la communauté.
Cette forme polyphonique qui emploie l’esquisse et la suggestion, permet à ce qui est ressenti de se régénérer. Ce qui est dit ne réside pas uniquement dans ce qui est écrit, mais se construit à mesure dans l’esprit du lecteur par une dynamique que le langage déploie. Cette succession de vers – dont on ne retrouve pas nécessairement la prolongation du propos à la ligne…crée et laisse en nous des sensations, fortes et floues. Elles nous éprouvent comme devant des aquarelles où le regard cherche indéfiniment, formes et reconnaissances.
C’est un livre en forme de trait d’union, un livre écrit sous l’auspice des poètes. Qu’ils soient disparus ou nos contemporains bien vivants, ils parsèment le livre en de nombreux titres et dédicaces. Ainsi ces hommages à Follain, Michaux ou ces dédicaces aux pairs que sont Maulpoix, Goffette , Conort ou Boddaert. Outre la poésie, la peinture par ces hommages à Arcimboldo, à Ernst ou à Jérôme Bosch y est représentée, tout comme la musique, l’architecture ou le théâtre le sont au cours du livre, de manière allusive et par touches.
Par le poème qui clôt le livre Hommage aux 13 juillet, Gérard Noiret avec ironie et désenchantement, stigmatise l’indifférence qui prévaut aujourd’hui, malgré les augures parfois sombres annoncés à grand voix, en des vers éprouvés par nombre de poètes.
Puis rejoignons à nouveau les Amants dans leurs poèmes éponymes qui parsèment le cours du livre. Ils demeurent un fil d’Ariane d’espoir et sont comme une queue d’étoile filante qui traverserait le livre dans un ciel pourtant gris.
Hervé Martin