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  • Dans le noir & A travers les âges - Didier Guth et Sylvestre Clancier -Les Lieux dits Editions

    Dans le noir  Sylvestre clancier.jpgDans le noir & À travers les âges

    Didier Guth, Sylvestre Clancier

    Les Lieux Dits Éditions

    Collection 2Rives

    ISBN 978-2-918113-20-1

    2ième Trimestre 2014

    18 €

     

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    « Dans le noir & À travers les âges » qui paraît chez Lieux dits Éditions dans la collection 2Rives est né de la rencontre d’un plasticien et d’un poète. Cette collection propose de rapprocher les « rives » de la peinture, du dessin, du collage, de la langue et celle de la poésie. Les tableaux rassemblés dans les toutes premières pages de l’ouvrage semblent matérialiser la rive picturale. On soulignera aussi que dans l’esprit de la rencontre propre à la collection, des vers extraits des poèmes édités sont inscrits dans une écriture manuscrite sur chacun de ces tableaux.

    Le livre réunit avec une belle réussite les poèmes de Sylvestre Clancier et des tableaux de Didier Luth qui proposent au regard de larges aplats arrondis aux couleurs vives qui se recouvrent ou parfois se mélangent. Deux ensembles composent le livre « Pour gagner l’autre rive » et « Le temps contre la raison », pour cette remarquable collaboration où le lecteur est absorbé dans sa lecture par la prégnance des poèmes de Clancier. On suit le poète, mot à mot, presque pas à pas dans sa découverte des œuvres picturales. Le lecteur a le sentiment que le poème s’écrit à mesure.

    « Ulysse et sa métis / pour gagner l’autre rive »

    Il découvre alors que l'œuvre est d’abord un voyage où l’auteur s’élance vers l’autre. Mais dans sa découverte de l’altérité Sylvestre Clancier se retrouve vite face à lui-même. Le lecteur le suit vers ces

    « paysages d’un ailleurs familier »

    qui transportent le poète à la rencontre de sa propre histoire. Questionner l’autre, c’est aussi retrouver les ombres qui subsistent en soi-même :

    « en s’infiltrant / glissant avec lenteur: image par image / ils représentent / l’impossible mémoire »

    Avec ce premier ensemble le poète nous conduit sur les territoires de son art et de sa sensibilité.

    Dans le second ensemble, les tableaux entraînent Sylvestre Clancier dans une quête existentielle

    « Nos vies ont-elles un sens »

    Illusoires fantômes ou proches à jamais disparus sollicitent alors l’imagination du lecteur dans la progression de sa lecture, mais c’est bien de l’Homme, au centre de son existence et de l’univers dont il est question.

    « Cet autre soi-même à travers la course du temps ? Il n’y a pas de fin, sinon toi-même »

    Sylvestre Clancier poursuit sa quête où l’Homme apparaît comme un passager précaire inclus dans la nature :

    « L’homme est nature / sans elle il n’est plus »

    De sensibles poèmes pour songer à l’avenir des hommes face à leur destinée

    « Plusieurs étoiles / aux planètes habitables / ne changeront rien / à la fin prévisible / de l’homme »

    Les couleurs, les formes, leurs rencontres conduisent le poète à songer le destin de l’Homme dans le vaste univers. Les poèmes suscitent alors des questionnements propres à  notre époque et nous renvoient semble-t-il à celui autour du crime originel de Cain :

    « autrefois humain et frère ayant tué l’autre / l’ayant enfoui »

    De très beaux poèmes de Sylvestre Clancier suscités par  l’œuvre picturale de Didier Guth qui transportent le lecteur de la rive singulière d’un être à celles de l’origine de l’Homme et de ses interrogations existentielles.

    hm

     

     

     

     

  • D'un bocage , l'autre - de Roland Nadaus aux Editions Henry

    D’un bocage, l’autre

    Roland Nadaus

     

    Éditions Henry

    Collection Les Écrits du Nord

    ISBN : 978-2-36469-086-8

    Juin 2014

    94 pages

    10 €

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    De son bocage mayennais où il a élu domicile, Roland Nadaus témoigne, non sans une certaine inquiétude et une colère désabusée, de la transformation profonde et durable du territoire de bocage où il a choisi de vivre.

    Il déplore sans ambages,

    le « grand massacre commencé »

    avec ses engins de travaux publics, bulldozers, pelleteuses et autres tronçonneuses qui se déversent dans sa campagne comme des hordes de blindés pour une offensive de conquête :

    « on ne résiste pas aux hommes quand ils pilotent les monstres ».

    Avec force, Roland Nadaus dénonce cette industrialisation des terroirs, ce ravage et ce retournement de terres, de chemins, de haies vives et de bosquets qui emportent avec eux la faune de volatiles et de gibiers, la flore et les grands arbres. Mais aussi, le plaisir de l’homme qui gouttait hier encore ces territoires au rythme du marcheur.

    Au-delà de la destruction des paysages mayennais au profit d’une productivité agricole c’est d’un bocage à la fois plus restreint et plus vaste dont il est question dès les premiers textes du livre. Celui de l’être et de l’intime. Et dans les poèmes, à mesure se confondent et se mêlent les territoires de ces deux bocages.

    La question de la disparition y rôde, sous-jacente, dans de nombreux poèmes. C’est un livre à la tonalité grave. Entre le possible de mourir et l’appel de la vie, le poète maintient un équilibre non pas précaire mais bien vivant dans sa langue. Pour Roland Nadaus, ce pays de bocage est une île, un lieu éprouvé de sa vie :

    « Mon île, mon bocage. L’archipel de mes yeux. »

    Croix et « croas » de corbeaux se côtoient dans ce paysage bocager alliant de funestes présages à la disparition progressive des crucifix. La perception de soi se fait alors plus vive :

    « Comment oses-tu marcher fils d’homme, quand Jésus meurt à chaque croix ? »

    Un climat de désarroi affleure dans certains poèmes. La vie, la mort, l’existence et la souffrance qui l’accompagne résonnent alors de leur solennité. Le poète éprouve le vide d’un passage difficile et devant ce spectacle du bocage qui se meurt, il questionne sa propre existence,  tout en se rappelant que :

    « Écrire est essentiel – écrire est dérisoire :ça ne retarde rien, ça n’empêche rien... »

    Et la vie continue, vive, poignante, exigeante :

    « J’ai une telle joie de vivre, j’ai un si grand désir d’aimer, que c’est comme l'égoïsme… »

    C’est aussi un retour sur soi qui n’exclut pas la distance de l’humour :

    « Je dois mourir sans m’en rendre compte »

    mais avec un sentiment perceptible de solitude.

    Cependant Roland Nadaus poursuit sa quête de poète et d’homme. Auprès de ses congénères, il fait entendre sa voix singulière et semble regretter leurs attitudes :

    « Ils n’aiment pas qu’on vive à hauteur de soi, ils n’aiment pas qu’on s’aime – et qu’on croie en soi ! »

    C’est ainsi seul et par le groupe contre lequel sa singularité se développe que le poète existe.

    Si de très nombreux poèmes font écho de différentes façons à la mort et la disparition, d’autres renvoient à la  naissance :

    « Ici, je nais – ne cesse de naître : chaque jour m’est premier matin. »

    Écrire dans le bocage, c’est alors vivre une renaissance.

    « Et le matin c’est l’enfance… »  puis « Et toute ma vie n’est qu’enfance, un matin. »

    On comprend alors qu’avec la destruction du bocage où il vit, Roland Nadaus perd bien plus que la beauté de ces territoires. Et d’abord peut-être, ces chemins qui mènent au-delà des paysages à ce pays de l’enfance où il reste encore tant à découvrir.

    « Bocages intérieurs ! Chemins du dedans ! et plus loin encore « Je marche en moi, dans mes chemins creux. ».

     

    hm