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note critique

  • D'autres notes de lecture...

    Le site de la revue Incertain Regard   (http://www.incertainregard.fr )  offre également dans le menu Archives,  des notes de lecture de livres et de revues de poésie, des éditoriaux, de chroniques tels qu'ils furent proposés dans la revue.

    Découvrez-les durant cette période de congés...

    http://www.incertainregard.fr/PageArchives.html

    Si vous aussi, lisez de la poésie contemporaine. Si vous éprouvez l'envie de partager votre lecture en écrivant vos impressions, faites parvenir vos textes à l'adresse du site au format  word. (.DOC ) Vous pouvez envoyer vos textes jusqu'à fin septembre 2010. Après avis de lecture, certains textes pourront être édités sur ce bloc notes de lecture. Bel été !

    Hervé Martin

  • TERNAIRES

    Maurice Regnaut

    Editions P.J.Oswald

    80 pages

    1971

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    Cette note sur un livre de 1971 Ternaires permet d'éclairer l'oeuvre de Maurice Regnaut. On peut découvrir la page qui lui est consacrée sur le site d'Incertain Regard. J'engage les lecteurs à lire sur le site du poète Maurice Regnaut, qui est mort en 2006 nombreux de ses textes essais, poésie, théâtre.. et à découvrir son oeuvre et sa voix, qui demeure présente vivement dans son écriture.

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    Ternaires,

    « Il ne viendra jamais rien que la nuit sur la neige »

     

    Ternaires a paru aux éditions Pierre Jean Oswald en 1971. Ce titre de Ternaires renvoie nombre trois, tel le nombre de vers composants les poèmes. Sans doute les acceptions de ce mot nourrissent des significations plus larges comme peut-être celle du rythme dans l'écriture.

    Le livre est composé de quatre ensembles. Le ternaire

    « Quai, rails, horloge, / Et soudain le déclic de l'aiguille / Sur l'univers. »

    les précède et ouvre le livre comme pour en indiquer le propos. Numérotées de un à quatre chacune des parties est composée d'une dizaine de poèmes de trois vers.

    Cette conscience de vivre

    « M'étendre sur la terre, / N'être plus que le temps qui va / Me supprimer. »

     

    Le premier ensemble de poèmes paraît circonscrire la conscience du poète quant à sa présence au monde. Il s'agrège autour de ces poèmes le sentiment tangible d'une finitude inévitable et celui plus diffus de l'absurde face à l'infini. Qui n'a pas été emporté par ses pensées dans les méandres d'un réel impensable face à la dimension de infinie l'univers et aux limites de la réflexion humaine. Réalité inimaginable que notre vie pensée à l'aune de cet univers et où soudain, un relent de mal-être nous rattrape.

    Je crois discerner dans ces premiers ternaires, les signes d'une écriture qui caractériseront celle de Maurice Regnaut dans ses autres livres.

    -Le jeu avec la sonorité, l'homophonie et les répétitions : si vert le vert

    -Une écriture jouant avec les oppositions de sens, la contradiction langagière et les changements de registre : Si noir, si clair, le bleu si rouge,

    -Et enfin, des inversions dans la construction grammaticale des vers qui donne à son écriture, un rythme et ce phrasé particulier reconnaissable que l'on retrouvera dans ses livres :

    Si lourde au pied mon ombre.

    Les autres vers qui montrent la conscience de cette finitude simultanément à celle du vivre s'accumulent au cours de cette partie : »Comment suis-je encore ici » ; « Grands tournesols / Le soir / face à l'horizon vide. »...

     

    La conscience du rien

    « O monde immense / Et moi / En mes mots seuls ! »

     

    La deuxième partie du livre paraît isoler l'homme, le poète et le monde. C'est le moment de réflexion  avant un choix. Le poète possède la conscience d'un soi seul au monde, comme ce ternaire en témoigne. Le poète est l'être de la parole, des mots et du langage. L'homme qui le devient dans cette conscience de vacuité de l'univers doit choisir,

    Monde ou poème / Choisis ta foi / Ou sois folie.

    Dès lors, l'homme et le poète confondus savent ensemble qu'il ne faut rien attendre,

    Il ne viendra jamais / Rien / Que la nuit sur la neige.

     

    Extraire du néant

    «  La nuit vient , ma rare, / Et ton corps encore / Plus beau qu'au soleil. »

     

    Les parties trois et quatre me semblent plus énigmatiques. Le poète doit se nourrir du rien, puisque cela seul est présent, à la fois intangible et pourtant immémorial. Au sens perdu d'un monde, à l'absence d'un dieu, le poète interpelle la nuit - appelée - (p),  nomme les poussières - visibles - (p 42), rend témoin d'une présence le silence, l'écume et la lune (p44)... Il énumère le tangible du monde ! Face à eux le poète les transcende dans le regard qu'il leur porte. Il substitue au rien, le vrai de la parole. Dis-moi que rien n'existe, ô dis-le moi, / Que le seul vrai soit non ce rien, Mais ta parole ! On trouve dans ce ternaire, ce qui sera constant dans la poésie de Maurice Regnaut, la présence du VRAI dans la parole. Dans la parole du poète Maurice Regnaut. Il y a dans les poèmes de cette troisième partie les strates d'une nouvelle naissance. Pour vivre, recommencer à vivre en homme mortel sous les auspices - acceptées - de la finitude humaine.

     

    Vivre

    « Et ne plus être au cœur du bleu, / Terre , / Qu'un seul cri ! »

     

    La quatrième partie est comme une sorte de réconciliation du poète avec la vie. Il semble l'accepter pour ce qu'elle est dans ses limites, après que tout homme eût empli son existence de sens en dehors de toute expérience mystique. Cette dernière partie loue la lumière, le soleil et l'éclat des couleurs de la vie.

    Bleu à bleu, feu à feu bleu, et dire / Que j'aurais pu ne pas vous voir jamais, / Myosotis de ce monde !

    Le livre est-il le fruit d'une expérience existentielle ? Hormis ce titre faisant référence à la forme trois du ternaire, quels sont les autres sens auxquels il se rapporte ? Peut-être contient-t-il dans les phonèmes le composant, celle de « terne » qui pourrait être rapprochée avec l'humeur qui aurait accompagné son écriture ? Ou pourquoi pas un néoadjectif décliné de terre à l'instar de lunaire ? Le dernier poème pourrait en témoigner :

    Ce bruit d'eau dans la nuit, / Dors, / C'est la Terre.

     Alors ces poèmes seraient propres à notre planète habitée par l'homme - seul - dans l'univers mais qui ne cesse fébrilement de s'interroger sur le sens de son existence.

     

    « Entre le hêtre et l'homme, O honte, Était le tremble. »

     HM

  • La brûlure - Jacques ANCET

    Éditions Lettres Vives

    Collection Terre de Poésie

    13 €

    2002

    ISBN: 2914577117

     

    Le site de Jacques ANCET

     

    Le Blog de Jacques ANCET

     

    Biobibliographie

     

     

    Dans la volubilité de sa langue — la profusion de la parole poétique — Jacques Ancet cherche les lieux où naît le souffle de son écriture et d’où sourd cette énergie vitale qui nourrit de passion sa Poésie. Dès les premiers poèmes il me semble chercher l’horizon de sa propre voix. Il s’appuie pour cela sur un rythme qu’il maintient tout au cours du livre. Celui d’une voix qui dicterait ?

     

    « Je ne sais plus/parler et je parle quand même je parle/de cette voix que je ne reconnais pas : elle vient d’ici d’ailleurs du plus profond/du plus léger… »

     

    En tout cas une voix intérieure qui le guide et l’entraîne. Et qui possède en elle tous les signes emmêlés d’une raison tangible. Hélas indéchiffrable ! Mais qui porte et qui brûle !

    Ce n’est qu’après le premier tiers du livre, comme par incantations répétées ou psalmodies auxquelles le rythme donne naissance peu à peu à ma lecture, que l’écriture s’ordonne et m’acquiert à sa cohérence en laissant filtrer sous ses signes les signifiances de ce langage. Ce qui justement brûle. Ce feu de vie qui dans la métamorphose de sa quête traverse, dans les vers des poèmes, plusieurs figures : amour, inspiration, écriture, désir, enfance…

     

    «/et s’il faut que je répète tu me brûles/c’est que je ne sais pas dire cette chose/un matin ou une épine qui s’enfonce/ou peut-être les deux c’est comme trop d’air/… »

     

    Ces vers qui suivent méritent une attention particulière dans l’intérêt qu’ils portent aux blancs, ces espaces de l’écriture.

     

    «… mais son coupé n’est pas silence tout juste/absence de bruit car dire et répéter/le silence n’est pas le faire poètes/aphones célébrants du culte du blanc/ô Saint Stéphane lavez pour nous un coup/de dés et votre page sera plus blanche/… »

     

    Les blancs qui aèrent certaines écritures poétiques sont peut-être équivalents dans leurs nécessités à la fulgurance et l’exubérance d’une langue exacerbée et proférée. Car en quoi la difficulté à dire d’une écriture, qui se traduirait par des blancs dans le texte, ne serait-elle pas similaire, à celle qui tenterait de saisir dès son souffle la faconde d’une langue intérieure ? La prodigalité ou la parcimonie d’une écriture ne serait alors que les moyens similaires dont usent les poètes pour éclaircir de mots l’ombre de leurs rythmes intérieurs.

     

    Pourquoi Écrire ? Pour dire la beauté ? Pour contrer l’irrémédiable ? Pour éclairer sa propre figure ?

     

    « comme ce visage de moi qui m’attend/chaque jour et qui ressemble à mon attente/mais mon vrai visage l’ai-je jamais vu/ai-je jamais vu ce que j’appelle moi/… »

     

    Dans ce livre Écrire est une quête tournée dans toutes directions !

     

    « comment dire le tout du monde et rien d’autre/… »

     

    Pour Jacques Ancet écrire c’est alors arracher à la vie, la transcendance de moments vécus. Instants parfois brefs et qui portent — soudain ! — au zénith ce ressenti du vivre : cette brûlure. Jacques Ancet y réussit. Dans ce poème quatorze notamment où il arrache, dans la clarté de ses vers, la transcendance poétique d’une vision réelle qui se métamorphose dans son écriture et sous notre regard.

     

     

    Hervé Martin