Louis Savary,
Opium de personne, Editions Arcam,
Paris, 2010,
104 pages,
15 Euros.
Selon Savary c'est en l'absence de jour qu'apparut la poésie. Elle reste encore aujourd'hui orpheline à jamais de son anniversaire. Car d'une certaine manière elle naquit un 30 février. Si avec une poignée de terre Dieu créa l'homme, ce dernier fertilisa de quoi planter des mots afin qu'à son incinération la poésie devienne ses cendres. Depuis ce premier jour les baisers de la poésie ont le goût de la salive des morts. Elle ne mène donc nulle part mais il ne tient qu'à nous d'y aller. Elle reste le voyage au pays du dedans éveillé, endormi, endormi, éveillé mais jamais rêvant. En elle parfois le mal de mère prospère mais sans envie d'y repêcher le père. À ce titre Savary lance un hommage aux poètes vaincus qui "comme des assassins reviennent toujours sur le lieu de leur crime". D'un côté ils contemplent le ciel, de l'autre ils scrutent la terre en se foutant des commissaires et des cons temporains.
Pour l'auteur belge, même du néant, la poésie ne sort pas les yeux vides en dépit de ce qu'elle porte en elle : à savoir une maladie orpheline. Son pays est trop vaste pour qu'on le fasse à notre chef : c'est donc la poésie qui nous fait à sa tête. Il n'y a rien à ajouter. Être poète revient à écouter le silence en prenant garde de ne pas l'ébruiter. Car on ne dresse pas les mots. Ils restent sur leur garde afin que le cœur, le sexe et l'esprit entrent en transe sans renier la vérité de l'enfance. Dans la poésie, il y a donc tout et "Surtout le reste. Il est incommensurable". C'est pourquoi elle répond aux questions qu'elle ne pose pas. Elle nous dévoile à notre indifférence. Au sensible elle "préfère le sang cible et énonce ce que les mots n'ont jamais pensé". Qu'importe donc ce qu'on peut en dire. Elle garde la clé des vents de la maison de l'être. Ce dernier y vit avec elle en union libre. Ni pute ni soumise la poésie est donc bien "opium de rien ni de personne". C'est de la Bella Donna et de la belladone.
JPGP