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  • LOUIS SAVARY ET LES DERNIERS OUTRAGES

    « Les sexes ne meurent pas sans laisser de trace » (Louis Savary).

    À bout portant

    Louis Savary

    Arcam, Paris,

    100 pages,

    15 Euros.

     

    Dans l’œuvre de Louis Savary - et c’est encore plus vrai dans son plus récent texte poétique - entre « le rêve du sexe et le sexe de rêve » tout le corps bascule. Mais pour atteindre le paroxysme de plaisir l’artiste laisse aux corps dont il parle « le temps de se réfléchir ». Le poète hirsute de Wasmes (Colfontaine) est poussé à entretenir une obsession pour thanatos comme pour éros. Il n’a cesse de les faire se télescoper à travers ce qui trop souvent sert au mâle de pensée. Les femmes restent sur ce point plus circonspectes : l’ineffable fait parti de leur planète.

     

    Sombre ou drôle, masculin ou féminin le sexe suscite chez le poète une irrésistible attention voire une attraction irrépressible. Mais il n’est pas le seul ! Et si le sexe a tout hérité d’un théâtre de la cruauté il demeure tout de même l’essentiel jusqu’à ce que le rideau soit tiré. Savary sait que les femmes nous balisent depuis la nuit des temps et que nous ne pouvons totalement nier l’inceste. Par notre naissance nous l’avons consommé.

     

    Sous son armure le sexe de celui qui est dit faible est maître non seulement dans l’art de la parure mais aussi de l’infidélité de ceux qui y succombent.  Les galbes de  chaque créature sont des rois même lorsque seuls les fantasmes les caressent - ce qui selon Savary n’empêche pas nos compagnes, provisoires ou non , d’atteindre l’orgasme.  Le poète pratique le culte des morts et des mots afin de retomber dans le « caveaubulaire » des femmes. C’est pourquoi ses poèmes refusent l’écriture de l’indicible afin de révéler l’insondable. Transgressant « tout édit de chasteté » - sans pour autant patauger dans la pornographie - avec doigté, fausse pudeur et surtout humour l’auteur permet de dilater à la fois les fantasmes et l’outil qui sous leurs pulsions est atteint (pour les amoureux qui fréquentent les cimetières) une excroissance « maligne ». Preuve que dans de tels lieux la rigidité n’atteint pas seulement les macchabées.

     

    « Sujet inépuisable et objet de passage » la sexualité prend des contours délicieux et transgressifs. Elle « feint d’assouvir le plaisir pour mieux asservir à l’objet du désir ». Et si dans l’œuvre l’amour n’est forcément en fuite il n’est pas le souci majeur de Savary. Selon lui il est admis que « l’amour mythifie et que le sexe mystifie ». Mais les textes « d’À bout portant »  créent insidieusement un changement. Si le sexe est présent, la tête reste importante. Manière peut-être d’éviter que le « coït devienne chaos » et qu’une fusion mystique apparaisse là où on ne l’attend pas.  Peu importe alors que la danse du sexe devienne finalement macabre. Ce qui compte c’est de la danser le plus longtemps possible jusqu’à l’ultime raideur. À ce titre le poète à raison :  chaque petite mort « mérite bien une minute de silence ». Au moins.

    JPGP