Blondes Obscures,
Alain Crozier,
Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique),
86 pages,
16,40 Euros.
WHITE ON BLONDE
Le titre du meilleur album de Texas et de Charlene Spiteri convient parfaitement aux poèmes d’Alain Crozier. L’artiste « multicarte » est en effet immergé dans une mouvance rock dont l’écriture est tatouée. Même lorsqu’ils sont torturés les textes de l’auteur sont en épure au milieu pour dire les errances de l’amour :
« Aimer et déprimer
En même temps.
Penser ? »
Pas besoin de faire des phrases. Tout ajout ne serait qu’enluminure et verbiage.
Toujours à la limite de la déréliction Crozier ne tombe jamais dedans. Sans doute parce qu’elle est à l’image de sa vie : entre imaginaire et réalité. L’existence à la fois, se rêve, se mérite - mais pas toujours. Et au besoin le poète appelle des dieux à la rescousse :
« Dieu Râ va me sauver
De la mort.
Le soleil me réchauffe
Revitalise
Goutte à goutte
Vie à vie ».
D’où le recours pour cette thérapie aux femmes, enfer et paradis. Sur terre, elles empêchent l’homme, le mâle, ce bois flotté de ne pas basculer dans les goudrons visqueux de la mélancolie qui met l’être sous hypnose comateuse.
Ajoutons que Crozier ne cherche jamais un refuge dans le passé. Il ne chérit pas Venise. Nul besoin de gondoles pour glaner des mirages dans des eaux amniotiques. Sa nostalgie ne guigne pas vers le passé mais vers le futur. Dès lors l’écriture pose question de la séduction face au temps. Chaque poème essaye d’être là, avec la femme, avec « l’Elle », avec « L » qui se décline sous divers noms tus et registres. Comment dès lors s’empêcher à notre tour d’être séduit par une telle écriture ? Dans la contrainte de la brièveté son baiser au lépreux court infiniment plus vif que les plus troublantes embrassades des femmes qu’on a aimées.
JPGP