« De-ci, de-là »,
Bernard Dufour,
Éditions Fata Morgana,
Fontfroide le Haut,
26 pages,
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Surgit du livre de Dufour une sensation étrange : à mesure que l’on regarde, « ça » infuse et absorbe. Sans que l’on puisse mettre un nom sur ce « ça ». Émerge en effet un registre du rituel là où pourtant l’art plastique s'exclut de toute bonne manière pour retrouver une primitivité. Il convient de se laisser entraîner (prise en la prise) dans les mouvements et les dérives du noir brut des coulées rapides là où Bernard Dufour ne joue jamais sur l’effet de brûlure. Ne reste de l'image que des lignes hâtives, nerveuses. Dans chaque dessin il y a un faire et un défaire, une prise par défaut, un défaut dans le dessin en sa facture classique.
Le dessin sert enfin à autre chose qu'à raconter ou à montrer du corps. Il le remet en jeu, il l'enjambe dans une inscription figurative qui accepte le déficit, la perte de contrôle. Par mouvements vifs, partant du haut ou du bas, Bernard Dufour offre ainsi une descente en nous-mêmes à travers ces images. Mais si cette descente est possible c'est parce que nous ne sommes pas dans le tableau : il ne fait plus miroir : la "réflexion" remplace ce miroir.
L’essentiel réside dans la machinerie, la fabrique, "la mécanique à dessiner". Avec « De ci, de là » comme dans toutes les œuvres de Dufour un "thème" ne joue jamais au-dedans d'une image qui l’illustrerait ou en fournirait des variations. Si réel il y a, le peintre le fait échapper, excéder, s’enivrer par défaut. Il permet de toucher à une sorte de saturnisme en jouant sur l'achèvement et l'inachèvement. Par la prise arrachée au sein d’un continuum se reconstruit, émerge quelque chose de non fini, de suspendu.qui n’oppose plus le travail de la jouissance à sa mise à jour.
JPGP