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AU COMMENCEMENT DES DOULEURS - de PASCAL BOULANGER

Au commencement des douleurs

Pascal Boulanger

Éditions de Corlevour

125 pages,

Avril 2013,

17 euros.

                                                                          

 

Le livre est composé de trois parties avec Au commencement des douleurs qui ouvre et donne le titre au livre, De grandes épopées où de nombreux poèmes sont dédicacés et celle intitulée Perfection qui clôt l’ouvrage. Le livre est empli de références chrétiennes et bibliques que le lecteur découvrira.

 

Dans cette dernière partie Perfection Pascal Boulanger rend hommage à un temps passé – un âge d’or ? tout en soulignant tacitement les horizons d’espérances perdues. Et c’est peut-être par ce poème qu’il convient d’aborder le livre. Ainsi, sous d’autres auspices que celles d’un désastre et de prophéties sombres du premier ensemble, Pascal Boulanger en appel à l’ordre ancien et aux valeurs séculaires autour desquels la société des hommes s’est érigée. Comment nommer ce désir implicite à repenser l’évolution du monde sur un mode qui aurait fait ses preuves ? J’y vois la conséquence d’une éprouvante désillusion face à l’état du monde. Une déception profonde et entière où se brisèrent toutes les espérances et les espoirs nourris par l’esprit des lumières, le progrès, les connaissances et l’intelligence humaine. Dans ce poème Pascal Boulanger rend hommage, comme pour invoquer le cycle des saisons, la permanence des fleuves, la pérennité des forêts, la limpidité des eaux et de l’air… En somme, la quête d’une vie d’équilibre et d’un retour à l’innocence première.

Aux océans quand ils se déchaînent soudainement

Aux bijoux aux doigts des vagues

À la clarté imprévisible & brutale de l’éveil

Au soleil ébloui d’herbes & de fleurs

Aux fenêtres qui restent ouvertes tout l’été

À la légèreté des papillons

Aux bêtes qui traversent lentement les jardins

Aux plis des corsages

Aux baisers sur la bouche

Renvoyant à la religion ou à la culture, à la nature ou à l’histoire ces hommages semblent nés d’une meurtrissure intime et n’ont pour dessein que l’espoir d’un monde empli d’humanité. Une tentative pour sauver ce qui est perçu comme intrinsèque à l’ordre naturel du monde et pour un retour à d’anciennes valeurs qui seraient éprouvées.

Le monde change. Une ère nouvelle s’ouvre sur l’inconnu engendrant des risques inédits, aux conséquences, il faut le reconnaître, irrémédiables s’ils se concrétisaient !

 

Pour Pascal Boulanger, alors « un désastre et une dévastation » sont en cours. L’ensemble Au commencement des douleurs en témoigne avec ses poèmes décrivant des scènes de barbaries, de pillages, de fêtes orgiaques…

Rien qu’une ivresse vide / comme se frotter du sang des victimes.

Utilisant parfois dans les vers des suites de sonorités identiques, certains poèmes font songer à des psalmodies incantatoires qui conjureraient les augures. C’est la description d’une société déliquescente ayant perdu toutes notions d’humanité qui nous est faite ici :

Et déjà la foule réclame par des cris confus le supplice des conjurés /

 

La vision apocalyptique du monde que le poète partage ici comme une alerte ultime se fonde sur les textes bibliques, sur une conviction personnelle et des lectures dont celle de René Girard. Mais devant la gravité des prévisions scientifiques, face aux informations alarmantes de tout ordre, constatant les mensonges proférés par les « grands » de ce monde, qui - en toute sincérité !- n’a pas songé un instant aux textes de l’apocalypse ? Pascal Boulanger en fait un constat personnel et conclue son analyse en puisant le titre de son livre dans un extrait de l’évangile de Saint Mathieu. Il assimile les bouleversements qui surgissent à notre époque aux signes d’une société en déclin et les rapproche des prophéties bibliques. C’est en témoin sensible qu’il é(crie) la conviction qui s’impose à son analyse : celle d’un monde finissant allant immanquablement à sa perte.

 

L’ensemble De grandes épopées est accompagné d’une citation de Charles De Gaulle à propos de la fin d’une civilisation. De nombreux poèmes y sont dédicacés à des proches et à des poètes. Pascal Boulanger y décrit un monde où les hommes se conduisent bestialement et ne sont plus que les rouages d’un système mécaniste dépourvu de tout sens :

Le temps humains n’avait plus court.

Nous n’étions que de simples maillons

dans la chaîne alimentaire

leur cheptel

 

Pour le poète

une fracture s’est creusée entre les maîtres de la guerre et /

les maîtres de la prière

Entre la parole et les actes ? Pascal Boulanger dépeint une société où les hommes auraient perdu toute humanité. Il énumère les signes de cette décrépitude et stigmatise vivement la responsabilité de la démocratie dans ce constat. Composé de courts poèmes, cet ensemble semblerait transposer à notre époque celle où vécu le Christ. Le dernier vers du poème intitulé Le Galiléen se termine ainsi, comme un regret :

Nous savons qu’aucun /

n’a jamais parlé

comme il a parlé.

Avec ce livre, le poète manifeste sa ferveur chrétienne que corrobore le texte préliminaire lorsqu’il évoque la parousie : le retour du Christ à la fin des temps.

 

La poésie, comme Pascal Boulanger l’affirme dans son texte préliminaire, « …peut mettre en lumière cette volonté sociale de dissimuler les mécanismes du ressentiment... » Ainsi, comme avec Tacite ou Le lierre et la foudre Pascal Boulanger s’attelle à la tâche dans son travail de poète et termine Au commencement des douleurs,  apaisé, par ces vers :

 

Renonce à te venger, tais-toi,

prends congé.


Hervé Martin

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