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  • Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour de CECILE GUIVARCH

     

    Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour

    Cécile Guivarch

    Editions de l’Arbres à paroles

    ISBN :978-2-87406-559-o

    Juin 2013

    96  pages

     

     

    Dédicacé à sa mère, à sa famille et à l’Espagne originelle le sixième livre Cécile Guivarch interroge l’histoire familiale:  

    d’un pays entre les montagnes / avec photos de famille dans les arbres /toute en cascades les unes les autres /…

    Pour ne pas oublier ce qui fut souffrance pour sa grand-mère,

     cachée au fond d’elle-même / s’en bouche les oreilles/…

    le livre évoque en l’éveillant à nos jours l’histoire d’une mère et de sa fille sous l’emprise d’une absence et d’un abandon douloureux. La collaboration de sa sœur Isabelle Guivarch avec des portraits de femmes de la famille, à l’encre, ajoute au livre dans son entreprise de ré-appropriation d’un passé familial. Afin peut-être de mieux le percevoir pour enfin s’en éloigner sereinement :

    Ce qui est suspendu / craque sur le plancher/ … 

     …tout s’est arrêté et nous / dans / cela

    Les poèmes esquissent  en des  représentations fugaces des scènes nées d’une narration familiale.  Ils sont  vifs de réminiscences affectives et compassionnelles et sont écrits avec sobriété. Ces remémorations issues d’un imaginaire nourri au feu des questions ressassées sur l’histoire familiale se traduisent en des poèmes sans concession et libres de tout épanchement, comme ces vers évoquant la guerre d’Espagne :

    ce que les hommes abattent d’arbres / ce que les femmes donnent à la terre

    Le départ et l’absence du « père » qui sera à la source avec la grand-mère de cette filiation, restent ancrés à la genèse et au déroulement de l’histoire familiale. Ce vide et ce manque demeurent une blessure que les poèmes tentent de panser en rappelant à la mémoire – de tous - la souffrance des femmes. Les vers elliptiques parfois  viennent rappeler cette absence et ce manque.

    son visage / tout le poids des charrues

    les semelles râpent quand l’hiver

     

    Sans concession aucune sur la réalité et avec en fin de poèmes, une tension marquée par des vers qui ne s'apitoient pas :

    sa douleur du cœur plus forte/ ses larmes sans déborder / restent à l’intérieur

    Cécile Guivarch salue les siens et montre ici  comment la poésie  peut résoudre à sa mesure, les circonvolutions de nos histoires singulières où la vie nous entraîne. Elle écrit vers la fin du livre cet espoir:

    Pourrons-nous / renaître / les uns les autres/ du même / sang

     

    et témoigne d’un bel hommage à ses aïeux :

     

    Qui vous dira mes aïeux /

    « n’avons cessé de penser à vous » /

     

    vos silences écoulés de cœur en cœur/

    vos sang mêlés de rivières/

     

    vous reteniez votre souffle/

     

    vous n’avez jamais été aussi proches/

     à frémir sur nos épaules

    Hervé Martin

  • N, de PHILIPPE JAFFEUX

    N, L’E N IEMe

    Philippe Jaffeux

    Passage d’Encres éditions

    Trace(s)

    ISBN :978-2-35855-077-2

    1er Semestre 2013

    36 pages

     

     

    Est-ce un abécédaire ? Un abécédaire d'abécédaire ? Que penser de  N, L’e n iemequi ne représente qu’un quinzième de la création littéraire de Philippe Jaffeux  Alphabet. Ce projet hors norme de 390 pages est composé de 15 textes de 26 pages chacun, titré de A à O. Chacun de ces textes déclinant à leur tour les 26 lettres de l’alphabet selon une contrainte spécifique. Chaque contrainte est expliquée par des Notes et des Précisions qui précédent chaque texte et qui font partie intégrante de l’œuvre. L’ensemble questionne le lecteur  notamment sur l’aspect conceptuel d’un tel projet. Alphabet est dédié au père de l’auteur.

     

    Après la lettre O L’AN, paru à l’Atelier de l’Agneau,  N, L’e n ieme, paraît aujourd’hui  chez Passage d’encres dans la Collection Traces. Il n’est rendu accessible que par le filtre d’un procédé de transcription du texte qui suit :

     «La lettre N, intitulée « L’énième », est composée de 26 carrés de 14 cm (et donc d’une superficie de 196 cm2). Chaque carré contient 26 phrases, 33 lignes et 32 interlignes ainsi que 196 lettres n dont chacune des apparitions est décalée. La ponctuation progressive consiste à mettre en exposant la dernière lettre des 26 phrases de la page A jusqu’aux 26 dernières lettres des 26 phrases de la page Z. La pagination élève chaque lettre de l’alphabet à la puissance n. La lettre n disparaît sur la dernière phrase avant de réapparaître dans un mot final qui annonce la lettre O. »  

    On voit ici la complexité et la précision de la contrainte formelle. Elle rend le texte difficilement lisible.

    Faut-il apparenter ce texte au lettrisme ? Ou à ceux écrits avec les contraintes de l’Oulipo ? Je choisi  d’y voir le fruit du travail d’un être singulier prit dans des problématiques intimes de son existence. La subtilité du procédé  graphique et arithmétique comme la précision  des mécanismes expliqués dans l’avant-propos ci-après dépassent autrement l’existence du texte :

     « Les décalages s’effectuent aussi sur les lettres n mises en exposant. Sur la page N les lettres n sont toutes mises en exposant. Les mesures récapitulatives dans N sont des décalages de lettres n, nombre de lettres mises en exposant, pages (ou carrés), lignes et interlignes, phrases et sur la 25e ligne de la page Z, une mesure récapitulative à partir de la lettre A. Afin de contenir 26 phrases, écrites sur 33 lignes, dans un carré, celui-ci ne mesure pas exactement 14 cm. »

    Associé, semble-t-il,  lors de sa conception à l’outil informatique, N est rendu pour ainsi dire et paradoxalement illisible par ce cryptage complexe expliqué dans les notes préliminaires. Ces Notes et ces Précisions, donnent des explications arithmétiques et formelles que le lecteur ne suit qu’avec difficulté, comme un masque posé sur le texte qui brouillerait les pistes des motivations profondes d’un tel travail. Une façon peut-être d’admettre l’inouï d’une vie incontrôlable en rationalisant formellement les codes possibles d’une narration impossible. Cependant l’intérêt du texte qui se situe probablement  dans ces limites conserve son mystère entier.

     

    Tant il est délicat de le lire, je situerai N au médian de l’écrit et du pictural. Dès lors que dire de ces «  26 carrés de 26 cm d’une superficie de 196 cm2 »  récurrents et sur lesquels le texte se développe ?  Que voir dans ces carrés sombres maculés de minuscules espaces blancs sur la page ? Peut-être un clignotement entre les n ? Un oubli ou un manque ? Quelle est cette œuvre qui se place entre deux sémiotiques possibles ?  Littéralement que dit-elle ? En voici des extraits choisis :

    Un vide souterrain célèbre l’apparition d’une distance sous une lumière cosmique ; Je caricature l’alphabet d’une image lorsque je comble le fond d’un spectacle au moyen d’un manque exact ; Le rôle d’une page prise à son propre jeu construit la scène d’un hasart réglé sur une tautologie destructive ; Cent quatre-vingt-seize excentricités mémorisent une page difforme  pour radicaliser la mise au carré d’un oubli traumatique ; Cent quatre-vingt-seize formules vides métamorphosent les côtés d’un carré en une quatorzième lettre magique ; …

     

     

     

     

     

    À ma lecture, le sens littéral du texte ne cesse de discréditer la crédibilité de son langage qui renvoie aux normes même de sa construction dans une logorrhée parfois incantatoire. Le  texte emploie aussi des termes mystiques et magiques, ou d’autres  qui montrent une défiance au langage en employant les formulations suivantes : une écriture impraticable… ; un jeu disposé à contourner la rhétorique d’un décor défiguré… ; Un ordre ignoré par un chiffre ponctue la quatorzième leçon d’un abécédaire illisible ; (C) ; La transparence d’un alphabet héroïque se résorbe au contact d’un écran  en vue d’obscurcir la diffusion d’une écriture grotesque ; (X)…Je mélange des outrances avec des éclats de papier… ; Autant d’exemple qui montrent l’esprit dans lequel l’auteur nous transmet ces textes. Comme pour dire peut-être que ce qui est essentiel n’est pas le texte lui-même mais la pulsion du geste créateur. Il souligne aussi une impossibilité à exprimer ce qui serait pour l’auteur inconcevable et indicible. Avec ce texte Philippe Jaffeux voudrait changer l’ordre de la réalité en triturant l’alphabet, son organisation et les codes textuels qui en résultent. Comme si par ce processus – Magique ? Incantatoire ? Mystique ? l’ordre des événements passés pouvait en être changé. Dans l’espoir peut-être de reprendre le cours d’une histoire personnelle avec le père avant qu’elle ne se soit interrompue.

     

    La complexité des procédés, différents à chacune des 26 lettres, employées pour l’écriture d’Alphabet montre l’élaboration titanesque qu’aura mobilisée cette œuvre singulière dont N, L’e n ieme fait partie. C’est ce quelque chose de démesuré qui fait d’Alphabet une œuvre. Cette élaboration influe sur les formes du texte, remet en cause les codes usuels d’écriture/lecture et nous interpelle. Le  rappel en un seul document (disponible sur le site de l’auteur (http://www.philippejaffeux.com/)) des Notes et Précisions  pour les 15 lettres montre leur importance et leur intégration entière à l’œuvre. Elles contiennent des variables,  font état de poids, de longueurs, de nombres, de tailles d’octets… Incorporent des signes de ponctuations, jouent avec des lignes, des interlignes… Leur conception mélange symbolique du signe, calcul arithmétique et binaire, jeu autour des formes…  qui toutes interpellent le lecteur. Cette élaboration est démesurée ! Dantesque ! L’intérêt de cette œuvre est principalement à voir dans cette démesure d’énergie à créer des systèmes d’écritures. Et il faut se demander si la démesure de la conception d’Alphabet  n’est pas une réponse de l’auteur  face un événement majeur de la vie, vécu comme traumatique et inadmissible.  La littérature, la poésie, l’art d’une manière générale aide à vivre et à lutter contre les événements éprouvant de la vie. Je pense qu’Alphabet dans sa singularité et son outrance en témoigne.

     

    Hervé Martin

     

    Le site de Philippe Jaffeux :(http://www.philippejaffeux.com/)

     

     

  • AU COMMENCEMENT DES DOULEURS - de PASCAL BOULANGER

    Au commencement des douleurs

    Pascal Boulanger

    Éditions de Corlevour

    125 pages,

    Avril 2013,

    17 euros.

                                                                              

     

    Le livre est composé de trois parties avec Au commencement des douleurs qui ouvre et donne le titre au livre, De grandes épopées où de nombreux poèmes sont dédicacés et celle intitulée Perfection qui clôt l’ouvrage. Le livre est empli de références chrétiennes et bibliques que le lecteur découvrira.

     

    Dans cette dernière partie Perfection Pascal Boulanger rend hommage à un temps passé – un âge d’or ? tout en soulignant tacitement les horizons d’espérances perdues. Et c’est peut-être par ce poème qu’il convient d’aborder le livre. Ainsi, sous d’autres auspices que celles d’un désastre et de prophéties sombres du premier ensemble, Pascal Boulanger en appel à l’ordre ancien et aux valeurs séculaires autour desquels la société des hommes s’est érigée. Comment nommer ce désir implicite à repenser l’évolution du monde sur un mode qui aurait fait ses preuves ? J’y vois la conséquence d’une éprouvante désillusion face à l’état du monde. Une déception profonde et entière où se brisèrent toutes les espérances et les espoirs nourris par l’esprit des lumières, le progrès, les connaissances et l’intelligence humaine. Dans ce poème Pascal Boulanger rend hommage, comme pour invoquer le cycle des saisons, la permanence des fleuves, la pérennité des forêts, la limpidité des eaux et de l’air… En somme, la quête d’une vie d’équilibre et d’un retour à l’innocence première.

    Aux océans quand ils se déchaînent soudainement

    Aux bijoux aux doigts des vagues

    À la clarté imprévisible & brutale de l’éveil

    Au soleil ébloui d’herbes & de fleurs

    Aux fenêtres qui restent ouvertes tout l’été

    À la légèreté des papillons

    Aux bêtes qui traversent lentement les jardins

    Aux plis des corsages

    Aux baisers sur la bouche

    Renvoyant à la religion ou à la culture, à la nature ou à l’histoire ces hommages semblent nés d’une meurtrissure intime et n’ont pour dessein que l’espoir d’un monde empli d’humanité. Une tentative pour sauver ce qui est perçu comme intrinsèque à l’ordre naturel du monde et pour un retour à d’anciennes valeurs qui seraient éprouvées.

    Le monde change. Une ère nouvelle s’ouvre sur l’inconnu engendrant des risques inédits, aux conséquences, il faut le reconnaître, irrémédiables s’ils se concrétisaient !

     

    Pour Pascal Boulanger, alors « un désastre et une dévastation » sont en cours. L’ensemble Au commencement des douleurs en témoigne avec ses poèmes décrivant des scènes de barbaries, de pillages, de fêtes orgiaques…

    Rien qu’une ivresse vide / comme se frotter du sang des victimes.

    Utilisant parfois dans les vers des suites de sonorités identiques, certains poèmes font songer à des psalmodies incantatoires qui conjureraient les augures. C’est la description d’une société déliquescente ayant perdu toutes notions d’humanité qui nous est faite ici :

    Et déjà la foule réclame par des cris confus le supplice des conjurés /

     

    La vision apocalyptique du monde que le poète partage ici comme une alerte ultime se fonde sur les textes bibliques, sur une conviction personnelle et des lectures dont celle de René Girard. Mais devant la gravité des prévisions scientifiques, face aux informations alarmantes de tout ordre, constatant les mensonges proférés par les « grands » de ce monde, qui - en toute sincérité !- n’a pas songé un instant aux textes de l’apocalypse ? Pascal Boulanger en fait un constat personnel et conclue son analyse en puisant le titre de son livre dans un extrait de l’évangile de Saint Mathieu. Il assimile les bouleversements qui surgissent à notre époque aux signes d’une société en déclin et les rapproche des prophéties bibliques. C’est en témoin sensible qu’il é(crie) la conviction qui s’impose à son analyse : celle d’un monde finissant allant immanquablement à sa perte.

     

    L’ensemble De grandes épopées est accompagné d’une citation de Charles De Gaulle à propos de la fin d’une civilisation. De nombreux poèmes y sont dédicacés à des proches et à des poètes. Pascal Boulanger y décrit un monde où les hommes se conduisent bestialement et ne sont plus que les rouages d’un système mécaniste dépourvu de tout sens :

    Le temps humains n’avait plus court.

    Nous n’étions que de simples maillons

    dans la chaîne alimentaire

    leur cheptel

     

    Pour le poète

    une fracture s’est creusée entre les maîtres de la guerre et /

    les maîtres de la prière

    Entre la parole et les actes ? Pascal Boulanger dépeint une société où les hommes auraient perdu toute humanité. Il énumère les signes de cette décrépitude et stigmatise vivement la responsabilité de la démocratie dans ce constat. Composé de courts poèmes, cet ensemble semblerait transposer à notre époque celle où vécu le Christ. Le dernier vers du poème intitulé Le Galiléen se termine ainsi, comme un regret :

    Nous savons qu’aucun /

    n’a jamais parlé

    comme il a parlé.

    Avec ce livre, le poète manifeste sa ferveur chrétienne que corrobore le texte préliminaire lorsqu’il évoque la parousie : le retour du Christ à la fin des temps.

     

    La poésie, comme Pascal Boulanger l’affirme dans son texte préliminaire, « …peut mettre en lumière cette volonté sociale de dissimuler les mécanismes du ressentiment... » Ainsi, comme avec Tacite ou Le lierre et la foudre Pascal Boulanger s’attelle à la tâche dans son travail de poète et termine Au commencement des douleurs,  apaisé, par ces vers :

     

    Renonce à te venger, tais-toi,

    prends congé.


    Hervé Martin

  • PETER GIZZI, L'EXTERNATIONALE, COLLECTION "SERIE AMERICAINE" CHEZ CORTI

    L’externationale 

    Peter Gizzi,

    traduit de l’anglais (USA) par Stéphane Bouquet,

    coll. « série américaine », Corti, Paris,

    112 pages

    17 €.

    par Jean-Paul Gavard-Perret

     

    Peter Gizzi  s’oriente vers une vision d’un corps autre. Celui auquel il s’identifie à la fois à  travers les images (Jess Collins, Van Gogh) et les sons (John Cage) et par un arrachement puis un transfert du « je » vers le neutre : »

     « Trop de spectacles conquièrent le je.

    Que pourrais-je en tirer ? Stupéfaction ?(…)

    Certains appellent cela confiance en soi. ».

     La poésie devient l’exercice de cet arrachement continuel aux certitudes du moi. Il donne à la perception elle-même l’occasion de subir une métamorphose. L’œil n’est plus une fenêtre vers l’extérieur mais l’intérieur. La narration bascule au profit de la méditation au sein des formes, couleurs et sons. En même temps le corps se métamorphose en une extension physique sans organes sinon les capteurs sensoriels.

     Le poète américain se dégage du corps dolent qui empoisonna la poésie jusqu’à Artaud qui le premier nia sa pression (au moins « sur le papier »). « L’externationale » devient le livre qui énonce des pulsations de vie particulière. Elle se traduit en une écriture éloignée du logos. D’où la difficulté de sa traduction. En effet le poème dévore parfois les mots. Cela exige du lecteur un rôle (presque) excessif et une concentration extrême. Surgissent jeu et jet verbaux où se distinguent des séries d’assonances. Elles  s’appellent, se succèdent, se complètent. Un tissage sonore gouverne le sens, le fait dévier, le précipice. On y suit les pulsations d’une pensée qui avance, non par enchaînements mais par associations juxtaposées : « scule, ence, ide » ou encore « mandias, icieux, rex » par exemple.

     Difficile pourtant de comprendre le rythme de ces élans, de ces chutes et de tels raccourcis violents. On sent que la poésie est une pensée en acte mais en appréhender toute la force n’est pas simple. Tout se comprend plus par suggestion ou « auto transcription » mentale  que par réelle compréhension. La sensation cependant demeure présente. Elle vient des racines de la poésie (Dickinson, Whitman, Blake) et du prisme des images et des sons d’œuvres contemporaines. De la sorte le langage s’abîme dans son propre mouvement et se manque à lui-même pour passer de la confrontation du réel avec l’irréalité de la représentation. Une telle ambition permet de donner à voir, à entendre – et pour paraphraser Artaud -   un théâtre et son double.

     Résumons : Peter Gizzi reste un des tenants de la revendication d’une forme poétique qui ne correspond plus aux normes classiques. Parfois vaguement narrative mais surtout tranchante cette poésie traduit un désir obsessionnel de donner au texte une nouvelle anatomie où s’insèrent des scissions internes. Rares sont les œuvres dégagées de nostalgie et dotées d’une telle vertu énergétique.

     

    Jean-Paul Gavard-Perret