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andoche praudel

  • Une beauté plus sourde

    Andoche Praudel

    Editions Passage d'Encres, coll. Trait Court

     

    CADASTRE

     
    Revendiquant et expliquant pourquoi à l'inverse d'un Titus Carmel le titre de plasticien, Andoche Praudel écrit un livre poétique surprenant. Il trouve son point de départ entre le cru et le cuit. Ou si l'on préfère dans la double équivalence entre la céramique et la photographie. Tout cela est aussi de la peinture sous couvert de registre et de temps différents "la céramique m'ayant appris l'attente, le temps mort, l'appareil photo m'est apparu bientôt comme une autre sorte de four".

    Pour Andoche Praudel les deux sont des éclaireurs et des éclaircisseurs. Ils restent le vecteur inverse de ce qu'ils représentent pour beaucoup d'artistes. Chez ceux-là l'art est le moyen de faire pousser les fantasmes comme un chiendent. Pour sa part l'auteur d'une "beauté plus sourde" arrache. À partir de sa double expérience s'engage une réflexion (mais le mot est trop étroit) sur la question de regard, du réel, du passé, du devenir et du paysage. Ce dernier terme l'auteur a l'intelligence de ne pas citer. Pour lui en effet il n'existe pas. Ce qu'on voit est sans cesse réencordé, réaccordé, imaginé dans un substrat d'une épaisseur insondable.
     
    Celle-ci est faite à la fois par l'histoire même du paysage, entre autres par ses fonctions agricoles ou guerrières, par les regards que les poètes ont posé dessus (Praudel prend appui sur les visions de Rimbaud, Pessoa, Tolstoï, Stendhal, Claude Simon, Etty Hillesum, Virgile et Châteaubriand) et par sa propre expérience et sa propre vision. Ce que la céramique cristallise, ce que la photographie retient n'épuise pas le paysage. D'où ce recours à la poésie. Elle décrypte, délite, découvre ce qui ne se voit pas. C'est pourquoi un tel livre n'est pas celui d'un artiste écrivain mais d'un écrivain artiste dont le texte n'est pas dans ou sur l'art. La poésie est là mais pas dedans. C'est un autre moment, un autre "faire".
     
    Passant d'une activité sensuelle, matérialisée, Praudel entre dans, sinon le nulle part, du moins dans l'immatériel qui n'est pas pure immanence. S'il existe des céramiques réelles, le livre n'est pas "réel", il est toujours livre du livre. Mais c'est un moyen d'atteindre une autre liberté. Elle permet et propose un registre métaphorique et métamorphique particulier. Elle creuse par séries de renvois poétiques, agricoles ou polémologiques. Elle renvoie d'un autre côté du silence de la peinture, de la céramique, de la photographie. Elle chasse l'épaisseur et la matière pour faire pénétrer ses strates orphelines.

     

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