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  • le lierre la foudre


    le lierre la foudre Ed Corlevourle lierre la foudre

    Pascal BOULANGER


    Éditions de Corlevour

    juin 2011


    C'est bien de notre époque et de son dépérissement dont il est question dans ce livre. Les poèmes de Le lierre la foudre sont parsemés de vers composé de citations d’écrivains, de poètes ou de philosophes qui appuient le propos du livre. Pascal Boulanger y réunit également des témoins, ou pouvant être considéré comme tels, que sont les nombreux dédicataires des poèmes. Époque, dont chacun s'entend à convenir qu'elle irait à sa perte ou pour le moins, que ses horizons sont sombres.
    Face au sombre de ces horizons, Pascal Boulanger la questionne à l'aune de l'espérance portée par les évangiles et les paroles du Christ. Le poète s’inspire de la pensée de René Girard et de sa foi dans les valeurs chrétiennes. Une manière d’opposer à un nihilisme obstiné une vision humaine constructive. La lecture du livre dévoile un périple intérieur, prenant sa source au cœur d’une réflexion individuelle, et à l’issue duquel se profile l’éventualité de la destinée funeste de notre civilisation. D’une histoire intime à l’histoire de l’Homme. « Plus que jamais opposer la vie de chaque homme à la totalité hégélienne ». Plus que jamais, avec ce livre Pascal Boulanger est fidèle à lui-même.

    L’espérance est-elle encore possible ? Quelles furent en réalité celles des hommes pour que notre civilisation en soit si mal en point ? Ce sont ces interrogations qui apparaissent en filigrane de ce livre. Elles s’opposent, de manière dérisoire, à ce désastre qui se profile à l’horizon et auquel nous ne pouvons opposer que notre impuissance. Seule la beauté semble sauvée de ce paysage nihiliste. Elle est aussi sans doute le seul recours pour lutter contre ce délitement. "Les oiseaux, les enfants, les fleurs ne sont que beaux / le royaume est ici mais nous n'en savons rien"
    Car en fait tout est là, dissimulé dans la beauté simple des choses, pour notre joie mais nous ne le savons pas. À moins que cela ne suffise pas aux désirs de l’homme ? Alors, l’orgueil, la vanité humaine, seraient à la source de ce saccage.
    Dans son for intérieur et une solitude qu'il ressent - seul le vent me soutient -, le poète poursuit un chemin pour lutter, à sa mesure, contre l'inévitable qui s’annonce. Mais que peut le poète face au délitement du monde ? Que peut la poésie ? Avec ce vers - Pourquoi m'as-tu abandonné - le poète prend acte de son renoncement reprenant les propos d'un Christ au moment de son dénuement dernier. Mais ici, le doute porte sur le rempart des valeurs que nos sociétés démocratiques et républicaines auraient érigées contre les barbaries, sans pour cela contenir la violence humaine. En vain, constate le poète quand l’homme de lettre qu’il est doute des valeurs qui fondent notre société. Après avoir fait allusion aux camps de concentration dans le poème Carnage, des vers, - terribles - témoignent ostensiblement de ce doute : « se détourner du siècle des Lumière qui, du haut des miradors, éclaire la nuit des camps ». Le lierre la foudre est un livre de doute qui dresse le bilan d’un désenchantement. Désenchantement de la vie ? De nos sociétés démocratiques ? De la promesse inféconde d’un Dieu ? Mais où sont donc passées les valeurs humaines, s’interroge Pascal Boulanger, constatant qu’aujourd’hui "Tout vaut tout". Le désir même n'est plus ! " plus de bien, plus de mal, plus de sacrifice, plus d'offrandes".

    "on porte la marque d'une parole / & la grande douleur confuse / d'un abandon" On trouve peut-être dans ce vers l'énergie d'un désespoir qui anime l'écriture de ce livre. Né de la rupture, entre ce qui fut enseigné pour une société meilleure et le piètre état de nos sociétés d’aujourd’hui. Cette impossible fracture. Un incompréhensible constat de la déliquescence d'un monde que nul ne sait endiguer.

    Le beau et fort poème "Petite suite d'Ordalies " me fait songer à un livre d'Yves Di Manno "un pré, chemin vers" où au sein de la tribu, des crimes étaient perpétrés dans des scènes insupportables. Avec ses mots sanctuaire, autel, couteau, sang, sacrifice… ce poème rassemble aussi en lui les signes d’une barbarie qui se perpétue dans des fêtes dionysiaques et meurtrières. Ces rites séculaires et guerriers des hommes. Mais dans le poème de Pascal Boulanger ces pratiques nous sont contemporaines. Les barbares viennent des banlieues, habitent des immeubles et
    roulent en moto. Comment, lutter contre cette déliquescence amorcée de notre monde ? Pascal Boulanger avec ses mots, ses poèmes pose la question, suggère des hypothèses et tente dans l’écriture de contenir les méfaits de cette situation. C’est à partir de notre histoire chrétienne, - ce dieu qui a pris chair - et des espérances qui suivirent dans une queue de comète de 2000 ans, que Pascal Boulanger propose comme un état des lieux… Dès le premier poème du livre intitulé Sarah, il annonce la chute, chute d’une civilisation et avec elle la fin des espérances annonciatrices d’un monde meilleur. Notre monde se délite, désarmés nous l’observons et Pascal Boulanger constate que « ..le monde était plus triste encore / avant que christ ne souffle dessus » C’est un monde de désespérance que le poète esquisse, ayant perdu ses rêves et ses croyances. Mais Pascal Boulanger en stigmatisant ses travers nous invite à ne pas l’accepter tel et à nous insurger, même contre l’inévitable.
    HM