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pascale petit

  • SHARAWADJI - Manuel du jardinier platonique

    Pascale Petit

     

    Éditions L’inventaire – Ville de Rambouillet

     

    17 €

    2 ième semestre 2010

     

     

    Est-ce dans l’intention de cultiver son jardin secret que Pascale Petit a choisi d’écrire Sharawadji. Manuel du jardinier platonique dont la composition est bien singulière ? Un livre qui paradoxalement lui offre l’occasion de s’écarter des limites ordinaires du jardin, pour s’infiltrer par la poésie dans les territoires de l’humour, de l’amour et parfois avec certains poèmes de la troisième partie, dans ceux de l’érotisme. « Ouvrez ma pastèque/ trouvez mon coquelicot / Mes lèvres ont donné leur nom /... » Ici l’écriture du livre étire les territoires du jardin aux frontières de l’intimité amoureuse. C’est par l’imbrication de formes diverses : calligrammes, poèmes, proses, croquis, proverbes ...et dans l’ambiguïté des registres de lecture possibles que se loge aussi l’un des plaisirs suscité par ce livre.

     

    Divisé en quatre saisons le livre semble organisé comme un almanach. Dans chacune des saisons, des rubriques redondantes rappellent au lecteur la forme de sa composition : « Proverbes du jour », « La leçon du jardinier », « Exercices ». D’autres intitulés plus singuliers, comme « Le nombre de pas » ou des textes « duos » viennent cadencer dans le même esprit la composition du livre et élaborent en guise  de fil d’Ariane les signes d’une relation amoureuse.  

     

    Sharawadji : Terme exotique, qui désigne la beauté qui advient sans que soit discernable l'ordre ou l'économie de la chose…. L'effet survient contre toute attente et transporte dans un ailleurs, au-delà de la stricte représentation, donc hors contexte.

    En effet, la lecture provoque ici parfois des plaisirs subreptices, qui nous sortent d’un coup – et contre toute attente –  de nos impressions premières par un rire, une joie ou un étonnement.  Sharawadji !  pourrions nous alors crier  lorsqu’une émotion surgit soudain au cours de  notre lecture. Oui, l’effet sharawadji  ressemble au plaisir suscité par la poésie, quand la lecture d’un vers nous étreint curieusement la poitrine.

     

    Le poème calligramme qui débute la première saison a l’apparence d’un labyrinthe, renvoyant à des jardins où, songe-t-on, le jardinier et la jardinière ne cesseront de se rechercher au cours du livre pour se séduire  au rythme des textes intitulés « Le nombre de pas » : « .../ Au quatrième pas, combien nous en reste-t-il ? / Faisons un pas de plus, voulez-vous bien ?/ Voire plus./.. ».

     

    Et Pascale Petit pose la question : Est-ce que le nombre de nos pas changent le paysage ou la qualité de notre regard ? Ou notre regard qui guide notre émotion parfois ou simplement le jardinier ? s’interrogeant sur ces obscurs objets du désir qui guident nos comportements de séduction. Cette question du désir sans cesse affleure à travers le vocabulaire choisi. On la trouve parfois en des noms de végétaux semblant sortir d’un dictionnaire de botanique tels sassafras, héliconias, benjoin, sapinette, plaqueminier, tamariqsue… D’autres fois en des mots que l’on prononce en bouche comme autant de gourmandises savoureuses.  La troisième saison du livre qui,   passé les bords,  se lit entre les lignes dans au moins un double entendement me semble significative de l’élaboration du livre où un poème est précédé de ces vers : « De ce qui se passe au bord / il ne sera rien dit / car vraiment on s’y tient très mal,/ on s’y tient très mal. »  Beaucoup donc nous sera suggéré !

     

    « on sème / on sème / on sème / (Car on a le secret / Pour tout faire arriver / Jusqu’à la bonne grandeur / Pour être manié / Puis on délivre le jardinier...) » Ainsi l’homophonie et des jeux de sonorités font aussi surgir en nous ces étonnements ludiques et malicieux. « j’me plais dans les près, j’me plais / j’me plais dans les près, j’me plais / »

     

    Il faut découvrir ce livre riche par sa diversité et ses registres de lecture multiples écrit autour de l’art du jardin et étroitement liés au désir de cultiver l’intimité de ses jardins les plus secrets afin d’y  Faire surgir monts & merveilles de la terre pour un grand plaisir de lecteur.

     

     HM