Paul Sanda,
Rafael de Surtis Editeur,
Cordes sur Ciel ( Tarn)
non paginé 14 €
JAZZ PARTY A NEW-YORK
Sanda revient à deux de ses amours pour un double hommage. D'abord à New York « la seule ville tentaculaire où je pourrais accepter de vivre ». Ensuite au Jazz. Celui de Coltrane entre autres. Dont l'ombre plane toujours l'hiver sur Park Avenue où il se promenait engoncé dans un immense pardessus. Mais il y a aussi Miles Davis au Cotton Club et Woody Allen en « clarinettriste » pas loin de l'aiguille du Chrysler Building.
Le poète nous emporte en 50 vignettes écrites en une nuit dans la ville à travers le Jazz et avec quelques amis : Arrabal bien sûr l'incontournable vagabond hérétique, Alain Marcadon, l'énigmatique Fabienne G. - comme le point - ou encore Alain-Pierre Pillet et Francis Meunier. Des amis mais aussi des allumés et - chacun à leur manière - des surréalistes décadents et dissidents.
Il y a donc New York, le jazz, mais aussi ses peintres et ses rues. La 123 ème Ouest, le Yankee Stadium, un thème indien de Roy Lichtenstein. Que demander de plus pour que « move the groove » et suive les sérénades à offrir à une femme nue dans une nuit réelle dans un hôtel pour musiciens pas loin de la plus grande cathédrale du monde près de Central Park.
Reste alors dans les rues et le jazz la vapeur des mâchoires au milieu du détergeant froid d'un matin de janvier. Avec d'un côté du Daumal et de l'autre du « Grand Jeu », l'écriture de Sanda possède une étonnante force d'imprégnation et de déstabilisation des images. Il y a en elles comme dans certains souffles de Coltrane des formes bizarres. Elles existent pour sucer le vent. Celui qui agonise dans le délit des branches des bosquets nus près de l'Hudson River.
Parlant de New York et du Jazz Sanda devient une sorte d'éponge naturelle Et par les trous que le poète crée dans la langue admise le jazz retrouve sa force de contestation. Ses riffs dérapent encore dans les mots de poètes afin de donner une inclination à l'assiette stable de ce que nous prenons pour notre individualité et notre perception.
Les mots forgent ce que les nôtres sont incapables de marteler. Voici la création d'un univers sans fonds mais en métamorphose. Sa réalité ne peut se réduire à une vision classiquement surréaliste de la poésie ou à une vision nostalgique du jazz des années cinquante et soixante. En bon gnome du langage et d'un des buildings gothiques de Manhattan, Sanda réinvente une façon de revoir le métier de vivre plus que celui du dur désir de durer.
JPGP