Éditions Poiêtês
94 p – 2 trim 2008 – 17 €
2 ième trimestre 2008
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Les Busclats, c’est le nom de cette maison de berger qu’habitait René Char à L’Isle Sur Sorgue
près des monts du Vaucluse. C’est là que Paul Badin le rencontra à plusieurs reprises durant l’été de 1978. Ce livre – une réédition – est le fruit de ces rencontres grâce aux notes que Paul Badin engrangea minutieusement avec la passion de ceux qui estiment la valeur d’une récolte à la qualité d’un terroir. En l’occurrence, un terroir de chair, de poésie et de mémoire ! La fidélité au propos de René Char souhaitée par Paul Badin est marquée ici par la volonté, effective, de son effacement, – fidèle jusqu’à l’effacement – peut-on lire dans le préambule. Paul Badin place ainsi au centre du livre la parole de René Char qui se voudrait intacte de toute altération. Autant qu’il est possible !
Ces Fragments des Busclats sont suivis par Terre habitée, un ensemble de poèmes écrits entre 1979 et 1988, date de la mort du poète. Ils font écho à l’emprunte laissée dans la mémoire de Paul Badin lors de ces rencontres et au vif intérêt qu’elles suscitèrent en lui /Qu’importe la profondeur du puits à l’homme qui a soif./ Rencontres toutes emplies de la présence de René Char et qui résonnent, en ces poèmes, sur le versant sensible de la mémoire / Cette visite m’a laissé au cœur une ivresse étrange. /
En amont, ces fragments, les propos de René Char, courts le plus souvent sont rassemblés par thèmes, au premier desquels la poésie et le poème « On n’entre pas dans le poème. On y est. » Dès la première ligne du livre le ton est donné. Une ligne d’horizon est tracée vers laquelle tout au long du livre, sous l’auspice des divers sujets abordés, le lecteur progressera dans sa lecture éprouvant les éclats d’une parole vraie et claire.
Ainsi la poésie ; l’édition et les livres de René Char ; les poètes ; ses relations d’amitiés avec Eluard, Breton, Camus ou Heidegger ; Ses filiations littéraires ; le Surréalisme ; la Provence, son pays ; la résistance ; les arts avec la photographie, la musique, la peinture et ses amis Braque, Giacommetti, Picasso…
Ces souvenirs sont parsemés d’épisodes, tels celui d’une actrice italienne qui joua Claire dans la pièce éponyme de René Char, montrant ici la défiance du poète envers la psychanalyse, ou cet autre, qui retrace l’histoire du patronyme familiale Char-magne… Le livre est réjouissant. La clarté et la simplicité des propos nous convainquent. Le lecteur s’arrête ça ou là au détour d’un propos lorsque saisi, il reconnaît dans les mots qu’il vient de lire les signes de l’exactitude ou des reflets de ses propres convictions. Il poursuit sa lecture par « Mais il n’y a pas de vérité. Seulement des débuts de vérité » et se ressaisit alors, avant de découvrir d’autres propos, qui auraient pu être écrits récemment, « J’ai toujours foi en l’homme mais je ne crois plus à la paix et je fais de moins en moins confiance à l’avenir de notre société. » Et d’autres affirmations plus pérennes « seule compte la générosité juvénile »
On peut relire ce livre en l’ouvrant au hasard, on trouvera toujours quelques lignes pour emplir en nous ce qui nous tient éveillé. Et de garder au creux de soi et à jamais cette pensée :
Le poète pense qu’il ne faut jamais attendre quoi que ce soit de nos gestes et de nos actions. Partir après.