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Le procès de la vieille dame - Éloge de la poésie -

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Lionel Ray

 

 

 

 

 

Éditions de La Différence

 

N° ISBN : 978-2-7291-1741-2

Date de parution : 2008

Nbre Pages : 223                  

 

Un entretien de Lionel Ray à propos du livre

                                                   

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« Le poète, rien ne peut le justifier que lui-même » c’est par cette phrase que débute le dernier des paragraphes du livre de Lionel Ray Le procès de la vieille dame - Éloge de la poésie -. Il se poursuit quelques lignes après ainsi : « En revanche, il y a une sorte de loi secrète qu’il porte en lui et qui cherche à s’exprimer dans le poème. » C’est probablement par cette affirmation qu’il faut envisager la lecture du livre et voir ici la motivation de Lionel Ray à son écriture. Un véritable fil d’Ariane qui a conduit Lionel Ray à écrire ces études, consacrées à des poètes et à leur œuvre. Elles ont paru dans des journaux, des revues et des magazines entre 1983 et 2007 et sont aujourd’hui rassemblées dans ce livre qui est édité par les Éditions de La Différence.

 

Poètes disparus ou contemporains vivants, la lecture de leurs livres suscite chez l’auteur un vif intérêt à percer « cette loi secrète » que les poètes porteraient en eux et qui les révélerait au monde par le poème. C’est là qu’il faut voir le postulat de Lionel Ray dans sa quête à reconnaître le poète dans l’être, l’être dans le poète. Il y a dans la poésie – singulière à chaque poète – l’univers d’un être unique. En lisant pour chercher signes et sens dans les mots, le rythme, la forme qui structurent le poème, Lionel Ray emprunte sans doute l’un des plus courts chemins qui va d’un être à un autre.

 

C’est ainsi une vingtaine de poètes que Lionel Ray interroge par la lecture de leurs poèmes. De Louise Labé à Hélène Dorion, de Aragon à Supervielle, de Victor Hugo à Bernard Hreglich, Lionel Ray fouille le poème, interroge les mots, questionne la forme ou passe même au crible le patronyme, comme lorsqu’il débute l’étude sur Jean Mettelus en faisant parler les lettres de son nom. « …un nom qui prend appui solide du (m) initial, posé sur ses trois jambes, et qui suggère autant que l’ancrage, la mesure et l’immensité d’un monde. »

 

Dès le début du premier paragraphe éponyme du livre, Lionel Ray tente de circonscrire son espace en bornant les limites de son questionnement sur la poésie de langue française. Sous le regard de Gracq, il souligne que la poésie fut jusqu’à la fin du XIX siècle une « transmission de pouvoirs » dans une continuité et constate qu’à partir de Mallarmé, il y a rupture de cette progression. Il s’ouvre alors avec Reverdy, Claudel, Tzara, Breton, Supervielle, Michaux…une période nouvelle. Celle des « explorateurs solitaires », celle de la différence.

Avec la mort de la poésie, le poétisme, les méfaits du lettrisme mais aussi, le vers et la prose, le lyrisme, la tension de la langue, le retour des formes Lionel Ray instruit les pièces au dossier de ce Procès de la vieille dame. Et ouvre dans le même élan sa propre (en)quête en s’appuyant sur son questionnement des œuvres. Sans doute à l’aune d’une phrase que j’avais relevée dans un texte critique de Lionel Ray « on peut dire de la poésie n’importe quoi, pas du poème… » (1)

 

Lionel Ray nous entraîne alors dans les livres et dans la poésie de nombreux poètes, en tentant par son investigation de montrer les reflets de leurs éclats. Le livre de poésie propose une autre forme de la conversation intime. Et la singularité des œuvres, sise dans – cette loi secrète –, se révèle comme éclairée par cette conversation de lecture. L’œuvre, le poète, le poème sont envisagés dans leur singularité dont Lionel Ray esquisse les traits. Ce qu’ils proposent de faire entendre, c’est l’unicité d’un être dans son rapport au monde. Paul Claudel, René Char, Alain Bosquet, Georges-Emmanuel Clancier, Eugène Guillevic, Claude Esteban, Gaston Miron et d’autres encore, trouvent place dans ce livre. Nombreux sont les textes qui invitent à lire ou relire ces poètes, accompagnés dès lors dans sa lecture par l’acuité de Lionel Ray.

L’étude consacrée à René Char m’a particulièrement touchée : une concision qui approche de très près l’écriture de René Char. Elle tente de préciser les limites où cette poésie existe, entre dit et non dit. Une poésie en lisière, celle du mot et de l’image, du sens et du désir. Cette partie est marquante par l’approche de cette poésie brève, ténue, sibylline et foisonnante. Lionel Ray suit les arcanes des possibles significations. Il fouille autant qu’il est possible dans cette poésie énigmatique pour tenter d’élucider les sources qui président à ses sens.

À propos de Jean Cocteau, Lionel Ray souligne que la poésie n’est pas seulement écrite « …Cocteau, qu’il s’agisse de roman, de dessin, de ballet, de théâtre, dans la mouvance de Diaghilev ou de Radiguet ou de quelques autres, ne fait jamais que de la poésie qui reste le commun dénominateur, identique à elle-même sous tant de formes diverses… » Souvent mis à l’écart pour son éclectisme, Jean Cocteau est ici reconnu explicitement comme un poète à part entière, hors du champ de toute suspicion de ses pairs. Nombreuses encore sont les pistes que Lionel Ray ouvre pour aller à la découverte des poètes, de la poésie, du poème. Ce livre a reçu le Grand Prix de la critique 2008.

 

(1) – Revue Incendits N° 21-22         

 

HM             

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