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LE FOU

Benoît Lepecq

Les éditions de l’Amandier

en partenariat avec La maison de la poésie de Saint Quentin en Yvelines et la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines.

Spectacle créé le 24 janvier 2011 à la Maison de la Poésie de Saint Quentin en Yvelines.

 

 

Le fou, entre les rives du livre et de la scène

 

Benoît Lepecq avec ce livre intitulé Le fou  paru aux éditions de l’Amandier, met en scène

un personnage issu d’une lame du Tarot de Marseille, dans un long monologue construit en séquences qui abordent autant de sujets que l’auteur a eu à cœur d’explorer.

 

Le Fou, ce Bouffon, est ce personnage qui vit à la cour du roi. Il est sous l’attrait de ses oripeaux celui qui a le privilège et le pouvoir de dire au roi ce qu’aucun autre à la cour ne pourrait dire au risque de perdre sa vie. Avec ses pitreries, son humour, son sarcasme et ses mots, le fou dit les paroles que d’autres ne pourraient pas porter :

« ...Le fou parle/Nous parlons/Ils parlent/Cela parle/Et tout et tous sont en moi/Et je suis tout et tous »

 

Le livre de Benoît Lepecq est une satire contre la société. Au rythme des différentes parties du livre, les thèmes évoqués se succèdent. L’auteur dans son texte, comme en un réquisitoire s’insurge contre l’usage hypocrite des conventions que la société nous impose. Le fou ici campe le trublion avec sa verve et ses propos sincères  « irriter la langue dans ses derniers retranchements est le défi du poète »

 

« L’amour maternel/je le connus depuis le talus/Le talus où elle me chia/»

Avec cet amour maternel à la singulière genèse,  le fou, orphelin d’un père qu’il cherchera toujours n’a plus rien à perdre dans le dénuement  qu’il éprouve. C’est à partir de cet état, cette perception  nihiliste de soi, cette dépossession, que le fou peut transgresser les limites des conventions bien pensantes et polies de la morale publique.

Nommé aussi le mat comme dans le jeu d’échec, le fou dans l’espoir de convaincre les hommes, dénonce vivement ce qui vient perturber leurs  vies comme la fausseté des conventions,  l’ornière des habitudes... Au-delà de la société, c’est chacun de nous que le texte apostrophe et l’auteur nous rappelle à l’importance essentielle de la réalité : « Nous devons  prioritairement vivre dans la réalité/Et cela suppose se défaire des chimères/»

 

À de nombreuses reprises dans le livre, certains vers sont riches d’une subtilité entêtante. C’est d’une oreille juste qu’on entend brandir la voix vers le lecteur ou le public, dans une parole inconsolable qui s’élève avec un bouillonnement de révolte.

 

Sur la scène, pendant près d’une heure les tableaux  se succèdent avec un éclairage des plus dépouillé. La représentation est entrecoupée d’écrans noirs créés par l’extinction des lumières comme autant de levé et de baissé de rideau. Ils rythment dans leur alternance les différents actes qui se succèdent et composent le propos de la pièce. Benoît Lepecq s’impose par sa présence. Sa voix, son timbre, son énergie sont dirigés avec la force de son texte en direction du  public. Il traverse la scène, la parcourt,  s’agenouille, se lève  le visage tourné presque toujours vers le public.  Benoît Lepecq incarne. Les personnages surgissent. Miss Bas-bleus une dévote dame de charité ; un harangueur gérant de notre liberté et le fou portant le monologue tout au long de la représentation. Le texte investit d’autres thèmes encore, comme le goût de possession des choses, Nos propriétés ;  la figure de Dieu décrite comme absente, irréelle, impossible ; l’argent, l’injustice,  la bêtise et l’espoir, qui engage à vivre au plus près de « qui on est », (de qui l’on naît ? )  L’Épilogue achève le livre sur ces vers éloquents : « Avec ton cœur démembré/Constelle . »

 

Ce texte nous interroge.  Il nous fait rire, parfois même lorsque nous découvrons sous les personnages  nos propres ombres. Nous reconnaissons en ce miroir qu’il  tend vers nos visages, les faiblesses auxquelles nous succombons parfois ou les espoirs par lesquels chaque jour nous avançons. Benoît Lepecq est notre fou. Il s’adresse à la masse de l’opinion populaire que nous composons chacun et nous alerte : « Singer Dieu/quand on est qu’une bête/Les tyrans/Savent s’y employer/Et bien qu’on les renverse/Il y a toujours quelqu’un/pour regretter qu’avant/Quand on avait la dictature au pays/Au moins on n’avait pas la famine ! »

 

Le fou  tente d’approcher notre vérité. Il rappelle qu’il est de la responsabilité de chacun de peser du bon coté des  hommes pour que le monde que nous voyons à la dérive,  progresse vers de meilleurs augures en regrettant que parfois

« Le peuple à des tendresses/Pour qui donne le fouet/Puis un baiser »

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