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  • DE L'OBSCUR A L'AURORE

    Dominique Daguet,

    De l’Obscur à l’Aurore,

    Éditions Zurfluh (13, Rue du Lycée-Lakanal à Bourg-la-Reine, 92340)

     

    LE COMBAT POUR LA LUMIÈRE

     

    Avec « De l’Obscure à l’Aurore » toute l’œuvre poétique (volée au temps) de Dominique Daguet nous est donnée à lire ou à relire. Poète habité il n’ignore rien de l’ombre et de la lumière. Il propose ici un voyage à rebours dans son univers d’extrême clarté. Celui qui s’est toujours battu en éditeur courageux et à travers ses « Cahiers Bleus » pour faire connaître diverses voix reste lui-même un poète majeur. Il fut reconnu dès 1961 par la publication du superbe « Atteintes attendues ». Dès ses premiers textes le poète était propre à saisir son chant intérieur. Celui-ci reste toujours proche d’un mystère divin et dépasse toute volonté didactique ou prosélyte de la part de l’auteur.

     Pour Daguet la valeur cardinale reste l’Amour. Il est consubstantiel à Dieu mais se traduit « dans les faits ». Le poète de Troyes possède dans son écriture une force pathétique mais loin du pathos et une force de vie liée au sentiment de la mort. Sa poétique tord le coup à tout effet rhétorique et reste à la recherche d’une sorte de prosaïsme. « Atteintes attendues » le prouve comme l’illustrent plus tard des titres majeurs. Par eux-mêmes ils traduisent le combat de Daguet entre la clarté et l’ombre, la mort et la vie : « Paroles entre la nuit et le jour », « Étoiles d’ombre », « Croix de l’Espace » sont autant de moments d’une entreprise de recouvrement qui prend tout son sens dans ce haut volume de tous les aveux.

     Dans chaque texte résonne une voix qui dit son incrustation dans les contingences du quotidien. Daguet s’y sent seul même si sa foi en Dieu se métamorphose en celle d’Autrui. Mais cette solitude hantée de miroirs fait sourdre son impalpable qui tait son vrai nom. « Nous restons seuls, malgré l’effort » écrit simplement celui qui garde portant chevillé en lui l’espoir de la rencontre. Se retrouve ici la même puissance que chez un autre poète trop méconnu : Jean Mambrino. Comme ce dernier Daguet est toujours guidé par l’éveil jusque dans le grandiose dénuement de sa solitude. Mais son âme est assez grande pour embrasser l’absence. Et si chez l’un comme chez l’autre et à chaque instant la poésie n’ignore par l’aura sacrée, elle fait de ces poètes des pèlerins de l’ « amour fou ». Est-il besoin de souligner que ce dernier dépasse ici et de loin ce que Breton entendait pauvrement par ces deux mots ? Chez Daguet l’amour se refait toujours (presque) silencieusement dans l’été en attendant que les dernières illusions tombent en flocons telle une neige qui rôde autour de la mort obscure.

     Car la croyance en Dieu ne cautérise pas tout. Tocsin dans leur ventre, les livres du poète exultent et souffrent, ils dégringolent vers la mer, enfantent des phalènes dans la coulée des hauts fourneaux. Et lorsque les jours s’éloignent de plus en plus il reste dans les derniers textes une nuit blanche de misère mais aussi la grandeur faite de fièvre. C’est pourquoi même lorsque la dernière porte se rapproche rayonne une espérance. Non seulement dans l’au-delà mais ici même, ici-bas. C’est bien là toute la force de ses « Fièvres » sous-titrées « non-poèmes » comme si Daguet se méfiait d’une conception romantique à laquelle le concept de poème se réduit si souvent.

     Soucieux des autres - qu’ils appartiennent au cercle familial ou à celui plus large des « passants » et « passantes » le poète reste lucide sur toute vie. Elle est selon un de ses titres une « anthologie de morts successives », des morts qui seraient – dixit encore le poète - les seules « amies de raison ». Toutefois il ne cesse de croire à l’amour du vivant sous toutes ses formes. Il fait de ses “Paroles entre la Nuit et le Jour” la folie du sage. À savoir celui qui lutte contre les deuils au nom d’une foi et qui sous sa lumière ne cesse de recoudre ses ailes lorsqu’il risque - en albatros baudelairien - de s’écraser.

     Ayant la poésie dans le sang, Daguet y trouve le moyen de découvrir de l’aube au crépuscule et, à ce point précis, une sorte de silence intérieur. Certes ce silence reste toujours provisoire. C’est pourquoi le poète reprend voix afin de lutter contre l’extase du vide qui ne pourra jamais le guérir de la maladie du temps. Bref il poursuit sa quête.

    JPGP