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  • QUAND L'AMANDIER REFLEURIRA - SAMIRA NEGROUCHE

    Éditions de l’Amandier

    Mars 2012

    N° ISBN :978-2-35516-170-4

    60 pages

    Format A5

     

    Quand l’amandier refleurira

    Une anthologie de poètes algériens contemporains

    de langue française établie par

    Samira Negrouche

     

    Les éditions de l’Amandier en collaboration avec la Maison de la Poésie de Guyancourt et la communauté d’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines font paraître cette anthologie de poètes algériens contemporains de langue française. Établie par Samira Negrouche, cette anthologie au titre plein de promesses, Quand l’Amandier refleurira rassemble onze poètes algériens nés entre 1935, pour Djamal Amrani et 1984 pour le plus jeune d’entre eux, Mohamet Mahiout. Par une courte introduction Samira Negrouche présente les desseins sous lesquels s’avance le livre. Notamment celui d’ouvrir des territoires, territoires de langues et de langages. « … j’entre dans l’espace commun d’une terre-mère et d’une histoire commune des dépossessions. ». Puis elle poursuit, « je dis je et je parle pourtant de nous, cette œuvre éphémère, solidaire et éclatée. C’est ainsi que je vois la poésie algérienne… ». Démontrant ainsi une belle solidarité humaine et une communauté de pensée, le livre rassemble des poètes qui œuvrent du creux d’une langue intime, afin de mettre à jour pour les leurs d’hier et d’aujourd’hui, leurs histoires infalsifiables. Ce vécu du fond de l’être qui prévaut seul au cœur de l’homme. C’est dans cette langue française que Kateb Yacine qualifiait de « butin de guerre », demeurée cependant étrangère, que sont écrits les poèmes.

    Ici, la poésie met à jour. Elle déchiffre et cherche des réponses « La parole / parlante avec le temps. Émergence d’un visage/ Une étendue / Ce qui manque ? /…» écrit Habib Tengour ; Elle tente de reconstruire « Ici les hommes / Bâtissent tout le temps : / Sur la boue / Sur leurs maisons d’avant /… ; » précise Mohamed Sehaba ou encore, essaie de s’ouvrir sur un désir de vivre « Ce soir j’interroge / L’ordre du désir /… »  affirme Hamid Nacer Khodja, quand Samria Negrouche poursuit inlassablement cette espérance « Tu ne te résignes pas / à relâcher le bord du ciel /… ». Un possible alors parfois s’éclaire dans ces poèmes, même si un constat demeure : « ce qui reste /  commencer chaque matin / à heure précise / comme / reprendre à zéro /… ».  C’est donc au prix d’une réitération quotidienne et obstinée de cette quête de vivre et de désirs que des territoires sont conquis et s’apaisent. Onze poètes interrogent une histoire singulière et commune. Ils sont rassemblés ici pour ériger et poursuivre le nouveau territoire commun d’une poésie algérienne. Blessures du passé, espérances du présent, Samira Negrouche agrège dans ce livre les disparités poétiques d’une langue commune pour aller ensemble vers un avenir gros des récoltes à venir. Prometteuses !

    « Attention travaux /  ( j’ouvre / une parenthèse / mais / ne la ferme pas » prévient Hamid Tibouchi.

    Peut-être tant que la source d’un renouveau ne sera pas perçue ? Alors, Djamal Amrani s’interroge puis affirme « Où chercher la source ? / Comment débusquer les pierres / et l’argile boréale / de nos fugues ? / Ici, quand l’amandier / refleurira. ». D’abord dans ce livre, avec ces poètes rassemblés autour de leur rythme propre et leur écriture singulière, où de premières récoltes s’annoncent.

     

     

    HM

  • CONSOLATIO - YVES BOUDIER

    CONSOLATIO

    d’Yves Boudier

    Édition Argol

    Janvier 2012

     

    C’est par une citation de Sénèque extrait de Consolation à Marcia que s’ouvre ce livre dense qui porte une interrogation première. Après Là  (2003) Fins (2005) et Vanités carré misère (2009), le thème de la mort est à nouveau exploré par Yves Boudier, ici dans la tradition de la consolation. C’est bien sûr le poème d’abord qu’il faut interroger, lire et ressentir  pour envisager ce face à face qu’Yves Boudier, en explorateur solitaire des rives accidentées de la mort, entreprend dans l’édification de son œuvre. Une postface de Martin Rueff remarquablement détaillée questionne Consolatio au regard de l’œuvre poétique d’Yves Boudier et d’un corpus de textes anciens ou contemporains – poétiques ou philosophiques - qui furent écrits autour du thème de la mort.

    Dès les premiers poèmes des questions émergent sous l’auspice de Janus  et des passages,  avec cette description d’entrée dans le sommeil lorsque la conscience cède à la nuit. « Je ferme les yeux / cède /au cœur vigile ». C’est ce passage de l’éveil au sommeil qui rappelle la question obsédante, de mémoire douloureuse, cette lisière franchie à la mort venue par ceux, ces «  Noms (si) lourds », et hautes figures tutélaires  «  devant l’enfance », qui furent chair de chers. Alors, tout au bord du sommeil la mémoire semble rappeler et raviver la douleur de la perte des êtres aimés, tout en soulignant la fragilité et la fugacité de la vie. « ça / mord dans la tête / opacité / ce bruit de cœur ». On croirait alors que le poète traque ce moment de passage où la conscience s’apaise, s’amenuise et se retire. Des passages à double sens  lorsque l’on revient de ce lieu  d’a-conscience  et que l’éveil survient  «  le bleu / cicatrise la nuit ».  « …l’insomnie / (elle) / arrache le temps passé / à être mort » Avec ses passages d’un état à un autre Yves Boudier apparente le sommeil à l’état de mort « où les  batailles se livrent » mais sans l’agonie, au-delà de laquelle tout retour reste impossible « La mort s’accouple / au jour / (elle) / feint d’être nuit / sa méthode : son legs »

    C’est de ce monde du sommeil et de l’a-conscience que perce l’angoisse première, à laquelle il faut pourtant s’habituer, quand « lève la plainte / létale »   et qu’il faut participer à «  L’épreuve du vertige / vivre / « contre la mort militante » /…/ « pour instituer l’idée ». Entre les poèmes parfois, des pages blanches s’intercalent et paraissent préciser les états de cette simili mort où seuls les rêves président à construire des mondes d’images aux sens multiples.

    C’est par un dialogue intérieur régulier et en questionnant les mots « (la valeur éponyme) » que le  poète se livre à des «  travaux d’aveugle » pour contrer « les peurs / ventrales » et éloigner ce moment où «  se creuse/ la / défaite ».

    La forme aussi, dans le visuel qu’elle propose au regard et dans la symbolique du motif de la ligne, de la marge,  de la frontière…participe également au signifié du livre. Cette forme qu’Yves Boudier  donne  à la disposition de ses  vers faisant apparaître  une limite immatérielle qui divise la page en deux parties. Cette disposition fait songer à une scission - à une ligne de passage ? -, comme une cicatrice ancienne  – première ? -  que le temps aurait laissée (in)visible chez l’auteur et qu’un poème débuté par ce vers, « Autant de peine / à parler / à (me) / taire… » ne (dé)voile qu’à peine dans cette ligne frontière. Ligne de frontière, zone de clair-obscur, comme un entre-deux, un passage universel  d’un état à un autre, du jour à la nuit, du sommeil au réveil ou encore, de la vie à la mort. Tout semble ici signifier, de part et d’autre de cette marge centrale, où le poème appuie la certitude que le corps seul sait tangible. Cependant, avec de rares vers coupant la frontière de cette marge, l’espérance pointe ici. Elle tente des incursions dans l’autre monde du sommeil, traversant la frontière de l’(a)conscience  pour essayer d’identifier la nature de la mort  « les tremblements se rapprochent / le centre s’échappe fait retour ».  Le  livre est le lieu où le poème inscrit ce qui borne toute vie, avec en désir cette espérance humaine de repousser les frontières de la mort « le bandeau d’Orphée dans les mains d’Eurydice… ».  Ce qui est visible ici c’est ce funeste présage – comme seul avenir sûr – qui attend et qui veille. Longtemps  j’ai pensé que mes congénères se partageaient en deux familles, ceux qui vivaient en s’oubliant mortels et ceux que la mort hantait. C’est peut-être alors à dessein que des fragments de textes  – cités en italique -  sont parsemés dans les poèmes et que les noms de leurs auteurs sont rassemblés à la fin du livre comme en une communauté de pensée qui poserait  la question : « comment parler de la mort ? ». Ce lieu espace dont on ne peut que dire, toutes acceptions comprises : « (il n’y a rien à voir) » et finalement «  ce n’est rien ».

    HM

  • MISERERE de Raymond Farina

    MISERERE

    Raymond Farina,

    Éditions Dumerchez,

    Col. « Éclats de Vivre », Liancourt, 62 pages.

     

    Les « Éclats de vivre » de Raymond Farina sont le combat journalier contre l’infléchissement. Un combat transformé en chant puissant qui se prolonge d’une section du livre à l’autre. Il n’est plus question ici d’images ou de descriptions mais de mise à jour d’une problématique existentielle qui rapproche le lecteur de l’auteur et fait du semblable un frère.

    Le « piéton halluciné

    que ses rares extases

    n’ont pu distraire de l’asphalte »

    nous ramène à notre « tout petit tas d’os » dans un mouvement d’accélération qui dit tout. Jusqu’à – justement - ce tas que nous deviendrons.

    Le problème de la relation reste ici essentiel. Elle n’est pas traitée par-dessus la jambe. C’est pourquoi la parole, quoique fragile ne tremble pas, elle affronte le gouffre existentiel que le quotidien rappelle :

    « On ouvre le journal

    On le ferme aussitôt

    Quel naïf chercherait encore

    Une nouvelle fraîche

    Dans cet infini nécrologue ? »,

    Pour autant le vivant reste essentiel, la beauté aussi. En perdition, toujours, mais toujours essentiels. Comme le Rouault des « Miserere », le poète par les voies  qui lui sont propres cherche à embrasser le sens de la vie. Refusant le « je », écrivant à la « non-personne » selon la formule de Benveniste, Farina refuse autant les quincailleries précieuses et sans profondeur que les sentiments en carton-pâte. En ce sens son écriture reste un geste de fondement. Tout ce que l’auteur a vécu demeure très présent mais sans la moindre exhibition narcissique. C’est sans doute pourquoi ce qu’il incise devient un récit existentiel conséquent.

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  • C'EST A DIRE de Franck Venaille

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    C'EST-A-DIRE

    de Franck Venaille

    Mercure de France

    Janvier 2012

    N° ISBN :978-2-7152-3239-6

    172 pages

    Format A5

     


    C'est-à-dire, vient de paraître au Mercure de France. Un livre qui regroupe des ensembles de poèmes aux formes différentes comme souvent chez l’auteur. Franck Venaille construit depuis plus de quarante ans une œuvre poétique dans laquelle apparaît son attachement aux Flandres. Passion née d’un séjour de vacances durant l’enfance qui ne le quittera plus et dont ses livres témoignent. Depuis Papiers d’identité paru en 1966 les livres sont nombreux, on peut citer L’apprenti foudroyé, La descente de l’Escaut, Hourra les morts, et plus récemment Chaos et ça édités au Mercure de France. Cette œuvre est pleine d’une inquiétude et d’une angoisse existentielle qui persistent dans la succession des livres.

     

    On peut entendre ce titre deux façons selon que l’on ajoute un point d’interrogation ou que l’on marque une pause pour entendre – cela est à dire.

     

    C’est-à-dire ? Cette première forme interrogative ouvrirait les champs d’un questionnement procédant par approches et tâtonnement de langage de celui qui à désir à remonter les sources de lui-même pour chercher sens. Tel celui procédant par l’analogie du – comme tente, par la comparaison, de dire au plus juste de sa perception.

    « égaré dans la nuit / dans ce qui est / l’obscur complet / j’avance lentement / me tenant par la main ».

    La seconde s’inscrirait dans l’intime témoignage de soi, rapportant les faits signifiants d’une histoire personnelle. Entendant alors – Cela est à dire – on entendra la voix de celui qui quête, cible et choisit des événements de son existence ayant compté d’une façon définitive.

    « C’est le visage trempé d’embruns, de sueur, d’amères larmes c’est avec çà que je cherche ma vérité ».

    Considérant ces deux possibilités, je veux souligner la sincérité touchante de cette quête, quand le poète du plus profond, extrait les sensations vécues de son être. Et lorsqu’enfin les ressentis sauvés du corps sont traduits dans le poème, le poète atteint ces lisières imperceptibles où le corps et les mots s’unissent. Là est le travail du poète.

    « Toutes les marées hautes se ressemblent/Toutes vies se valent & valsent ensemble /,Chaque barbare cherche à étreindre / sa part intime de sable et de vent / C’est cela qui est à dire. »

     

    Ce livre m’a conduit vers les portes d’un intime. Tout dans ces poèmes, me force à une silencieuse et respectueuse lecture face à l’homme, ce poète transgressant les frontières de ses pensées intérieures dans un dénuement à la fois humble et imposant qu’il partage de son être profond. Et j’ai lu ce livre sans sommaire, mais non sans étape en découvrant des titres souvent sombres évoquant la gravité en différents propos ! La face obscure, l’enfance en deuil, certains qui tombent, la guerre au plus près…

     

    « Tout m’est blessure. Je ne sais plus que faire pour vivre mieux » ce vers pourrait illustrer le propos de ce livre. Mais Franck Venaille ne renonce pas pour autant et poursuit la traversée de sa vie. Au fil de ma lecture les méandres de ses poèmes me conduisent de la Mer du Nord ( Ner(f) du Mort ? ) aux rives funestes du Styx. Cette mer du Nord que j’imagine dans les mots du poète fascinante - rassurante ? - et où je croise des enfants puis des femmes - la Femme - et enfin la camarde qui hante les pages. Tel est le paysage de ce livre où la mort semble présente depuis le premier temps de la conscience, cette amante noire qui trahira le poète, il le sait, au tout dernier moment. Et c’est de là, de ces côtes des Flandres, de ces villes du Nord qu’elle remonte l’enfance ! Elle remonte en une marée plaintive qui submerge, au point que le souffle halète parfois dans certains vers aux longueurs inégales et dont l’irrégularité du rythme me suggère des vagues progressant sur le territoire du poète. Territoire comme d’une île qui réduirait ses surfaces devant une submersion maritime inéluctable. Ces vers comme les vagues de la mer du Nord, mer noire, au bleu d’encre de chine qui noircit les pages de la vie.

     

    Franck Venaille aime Les Flandres, ce pays d’une enfance qui marquera durablement le poète avec ces villes du littoral telles des êtres vivants luttant dans un combat inégal, contre l’approche inexorable d’une fin qui les ronge, « La légende des hameaux engloutis me revint à l’esprit ». L’envahissement de l’angoisse au rythme des marées, « J’ai l’image de la mer du Nord en moi ». Franck Venaille persiste et habite ce territoire de vie et d’écriture. Ce pays d’enfance et de vivants. Pays aux espaces cachés derrière la platitude presque inoffensive d’une ligne d’horizon droite, d’où semble naître l’infini, les Flandres, avec leurs villes côtières bercées par la lente musique des vagues qui rythme ses poèmes et le cours de sa vie.

     

    • HM