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  • D'ENTRE LES ÎLES ET LES ROCHERS

     

    Laurent Bourdelas

     

    Locmalo

    Éditions Gros textes

    Fontfourane

    60 p,

    6 euros.

     

     

     

    Laurent Bourdelas nous a habitué à bien. Avec « Locmalo » il aboutit à mieux au sein même un exercice périlleux. Celui de la chose vue qui nécessairement oscille entre le descriptif et le nostalgique. Il arrive même que l’auteur quittant Broceliande note de manière laconique « je suis reparti mélancolique ». Pourtant pour évoquer la Bretagne ses sables du temps et ses archives de granit l’auteur - affronté à tous les lieux de cette chair tellurique mais aussi d’air, de marées et de vent - trouve le langage conséquent afin de transformer les lieux en ce que Bachelard nommait "la maison de l'être".

     

    On ne peut que partager les visions (plus que contemplations), les invocations (plus qu’évocations) que le poète développe juste ce qu’il faut. Ses vignettes ne tolèrent aucunes faiblesses. Elles témoignent d’un stoïcisme propre à cette terre entêtante et mystérieuse en ses côtes jusqu’en ses landes.

     

    Par fragments Laurent Bourde las donne une leçon de vie. Mais il propose aussi le martèlement sourd, sans la moindre fioriture, de ce qui pourrait être une suite de tables de la loi existentielle. Rien n'est dit que dans l’événement choisi par-delà l’anecdote comme emblématique.

     

    Chaque « histoire » reste en bascule entre terre et mer et entre sentiments disparates comme en témoigne ce paragraphe :

    « Toujours revient le bateau de Groix où mon fils fut conçu ou presque. Les passagers sont tristes, voici la terre ferme ».

    Dans une telle approche l’aporie joue son rôle et le livre reste du même tonneau, de la même tonalité jusque dans les peintures évoquées en fin de livre. Soudain les jacinthes deviennent abstraites et les alignements de Carnac deviennent un « fleuve étrange ».

     

    À qui ne connaît pas encore la Bretagne ce texte sera une invitation au voyage. A qui la connaît il offre une autre vision, une rumeur qu’on ne soupçonnait pas. Bourdelas reste fidèle à sa poésie essentielle dans son mouvement de retour réflexif sur l'existence. Il trouve des mots capables de peupler nous seulement les lieux mais ce dont ils sont nourris pour mieux nous habiter.

     

    « Locmalo » est donc un texte dense. Il donne des raisons de s’apaiser à qui sait soulever le voile des apparences. Le poète y rappelle à qui n'est plus capable de son pays de trouver des territoires qui permettent de le faire tenir vers le temps sans images. Avançant douloureusement et sereinement vers au milieu de ses propres anciennes images, l’auteur les prolonge d’un écho vers celui qu'il est devenu à travers elles. Ajoutons que Bourdelas reste un des rares poètes qui tordent le coup à l'effusion lyrisme. Il tend son écriture vers une fraternité sans fioriture et au cœur de la splendeur du monde dans sa dureté comme dans sa fragilité.

     

    JPGP

     

  • Divagation impénitente

     

    Ivan Watelle

     

     

     

    Éditions Poèmes Épars

    Villeurbanne, non paginé, 19 €

     

    Disponible chez l'auteur:   

    Ivan Watelle    

    Poèmes Epars   

    8, rue Pierre Larousse

    69 100 Villeurbanne  

    http://poemes-epars.over-blog.fr

     

     

    Même lorsque son griffon « tire sa gueule béante » Watelle va de l’avant et se remet en quête de sens - quoique conscient de ses limites et de ses erreurs passées. Certes toutes ses ombres ne se sont pas effacées et ses monstres ne sont pas tous muets. Mais l’auteur, avec le temps, échappe à ce qu’il nomme ses « états de démence précoce ». La poésie est pour beaucoup dans sa « thérapie » même si comme disait Duras « l’écriture ne sauve pas ».

     

    « Âpre comme une limande » Watelle ne s’en laisse pas (ou moins) compter. Il est vrai qu’il est désormais bien accompagné. Une aimante est là pour donner à son ciel de lit des couleurs rosées. C’est un moyen d’éviter d’être ramené à l’animal même si cette femme fait naître des désirs premiers qui ne rendent pas « l’orgasme utilitaire ».

     

    Oui Watelle avance. Désormais « dans le mauve de son âme » il pourchasse l’idée d’un supplice humain. Se replient les délices du néant et les trop éphémères pensées. « Divagation Impénitente » est à ce titre un texte majeur : tranche de vie il n’a rien d’un déboutonnage égocentré. Le lire et le relire est une manière de nous remettre sur les rails de la vie contre les forces du « mâle » comme celles des Dieux (du moins ce qu’on en fait).

     

     

    Jean-Paul Gavard-Perret