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  • ça

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    Franck Venaille

     

     

    Mercure de France,

     

    152 pages

    15 €

    Voici sans doute le livre le plus grave et le plus poignant de Franck Venaille. Bien malin celui qui y trouvera     encore une once d’espérance. Mais à l’inverse la nostalgie n’est pas plus le fait d’un poète rare et dont un récit, « Caballero Hôtel », fut une révélation.

     

    Sans doute l’auteur ne possède pas la place qu’il mérite. Et « ça » ne lui donnera pas d’ouverture. L’ensemble de ses poèmes est trop aride, trop rêche. Mais ils surgissent pourtant comme des révélations. Ils possèdent (même si Venaille a dépassé la soixantaine) quelque chose d’immensément rimbaldien.

     

    On ne dira pas que lire de tels textes est un plaisir. Mais on lit aussi afin de ressentir par un autre ce qu’on ressent en soi-même. Et voilà que ça coule à nouveau « Comme les enfants saignent du nez / Sans savoir pourquoi ».

     

    Nul ne sait où sont passés nos pères et mères. Rien ne sert de monter en chaire et en chair pour le demander. Les prie-Dieu grincent. On se met à tousser. Nous restons les vieux enfants terrorisés par le sang des femmes et leurs linges louches qui séchaient aux fenêtres. Il ne faisait pas bon être sensible en ce temps-là.

     

    C’est pourquoi Venaille n’écrit pas en pensant à autre chose. Sauf exceptions. À savoir les beaux garçons qu’il a croisés. Plus de soixante ans que ça dure (mais en retirer quinze d’inconscience). « Gaumont. Pathé ». Les actualités. D’hier les actualités. Le poète est sans goût pour l’école. Il rêve encore d’être le solitaire mystique en chambre de bonne 6ème sans ascenseur. La concierge est dans l’escalier.

     

    Enfance pieuse. Pluie fine. Crachats de Dieu. Messes à n’en plus finir. Eau bénite. Quitter cet endroit où parler fort est prohibé et où les corps sont rarement musclés (sauf sur des fresques italiennes). Vivre à l’heure le leurre. Et même après. Le corps le sait. Il le fait. Avec ses humeurs ombrageuses. Telle est la destinée du poète. « Sa vie sur terre ce fut ça ». Point final.

     

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  • Matelamatique des genres

    Louis-Michel de Vaulchier

     

    Editions Passage d'encres  

     

     

     

     

    Rebut des vêtements abandonnés sur le plancher. Tout arrive. En glissade d’un texte l’autre, d’une graphie l’autre et sexes idem. Presque pas besoin de faire un dessin (même si le poète en abandonne quelques uns). Reste un corps hautement dégagé. Mais un corps qui demeure étranger. Il y a jambes autant qu’il le faut nues contre les siennes. Les corps en doigts tordus s’ajustent, se serrent. L’autre à l’autre en appui tout au long. Une seule silhouette à deux. Remplissage parfait. Danse de compagnie au ralenti consenti. Souffle d’air. Frôlement. Nouveau plongeon. D’un texte à l’autre à plat ventre dans cette matelamatique qui va "du presque lyrique au presque scientifique". Drap repoussé à force. Le tissu se tend. Retenir le geste. Le prolonger. De façon que la partie ne s’arrête plus. Corps flous, fous. Leurs ombres servent de preuve. De Vaulchier cherche la formule secrète. Chaque texte enlève, enfile. Suave retentissement, temps découpé à mi-cuisses. Accélérer, ajouter, ralentir, quitter, revenir. Sans penser. Sans voir le temps passer. Consentir. Obligation de poursuivre guidé par des hauteurs et des intensités. Ambiance plus sauvage virant au glam-rock. Arche d’un pont entre épaules et reins où circulent les idées de plus en plus chargées d’odeur. Il faut que sexe et texte se confondent en « lit & rature ». Crêtes levées des lèvres ourlées jusqu’en une heure tardive, brûlantes de fièvre.

     

     

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  • Corps de Rimbaud, Carnet de Djami

    Jean-Pierre Védrines

     

    Editions Le Bruit des Autres à Limoges

                                                              

    70 pages   -    10 Euros.                                                            

     

    Chant de Fouille.

     

    Comment un poète pense-t-il un poète ? Comment procède-t-il avec celui-ci lorsqu'il s'agit d'un des écrivains majeurs à savoir Rimbaud ? Védrines l’aborde par la fin. Lorsque Rimbaud n'est plus le poète mais le mourant. Toutefois l'auteur du "Corps de Rimbaud" sait que sa propre écriture doit rester un état naissant qui n’a rien d’une nostalgie.

    En ce sens le livre développe une écriture dialectique. Elle offre deux temporalités : celle de la traversée finale, de la saison vers l'enfer, celle de la poésie de "la saison en enfer" où tout continue à se passer.

    "Corps de Rimbaud" n’est donc pas simplement une retranscription tragique d'une agonie. Le livre nous familiarise à nouveau avec Rimbaud dans le présent à travers sa dernière errance, son ultime marche claudicante et "forcée".

    Il s’agit d’une fouille, d’un creusement du substrat biographique. Le texte est une mémoire et un état naissant pour voir à travers Djami une dernière fois le poète tel qu'il fut laissé. Il s'agit de descendre dans les mines de son cerveau à travers le puits horizontal de la mort qui vient.

    L'écriture de Védrines s'emploie à déployer des images de fouille à coup de vignettes fulgurantes. Elle les pousse à leur limite jusqu’à voir la pensée de Rimbaud, une pensée qui nous échappera toujours, celle sur laquelle on ne peut mettre de mots.

    Ce texte est un moyen de trouver un autre contact par la poésie vers la poésie à l’aide d’une technique archéologique. Il s'agit pour être en mesure de comprendre le poète de se remettre dans ses ultimes pas et de faire émerger l’empreinte du temps. Celui-ci nous précède comme il a précédé Rimbaud et ses ancêtres et comme il se poursuivra après nous.

     

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