À Alain Resnais
Cinéaste, dit-on, de certaines formes non-métaphysiques de survie, Alain Resnais n'échappant au sort commun n'a pas survécu à la montée de la poussière.
Il est mort, aujourd'hui.
Une autre sorte d'ombre vient approfondir l'ombre habituelle qui nous dédouble.
Cette ombre ajoutée nous est chère, bien plus que celle originelle dont, à la différence de Peter Schlemihl, on se passerait bien.
Les ombres mortes sont courbes non faute de roide squelette mais par dispense de temps.
Les ombres mortes séduisent parce qu'elles font songer à une barque - et de la barque, à ses flancs - sa courbure.
La courbure ? Tout se passe comme si du voyage et de son but, quels qu'ils puissent être, importait par-dessus tout le détour qu'ils permettent.
Il y a de l'Ulysse (ou du Leopold Bloom) dans la courbure du mot Barque.
Embarquer, c'est différer, remettre à plus tard - cette litote de jamais.
Jamais l'ombre d'Alain Resnais ne reviendra,
ne fera bruit ou musique du souvenir.
Pas plus de son que le pet au diable de Villon.
Bientôt, dans les arbres, les cris des pariades.
Allez donc, pauvres vous, Aimer, boire et danser !
Jacques Sicard