Méandres et Néant
Stéphane Sangral
Éditions Galilée
ISBN : 978-2-7186-0886-0
Avril 2013
112 pages
9 €
par Hervé Martin
« Méandres et Néant » a paru aux éditions Galilée au printemps 2013. Dès les premiers poèmes Stéphane Sangral nous entraîne dans le labyrinthe de ses obsessions par une mise en abyme du langage :
« ...et / vertige / et / vertige / et / vertige /gluant »
Comme lorsqu’enfant se jouant de la langue on répétait inlassablement un mot jusqu’à ce qu’il perde sens en ouvrant soudain le vaste univers du néant.
« Je vois et je vois et je vois Je et je vois « Je vois» et je vois « je vois » et je vois « je vois Je »... »
Jouant à son tour avec les mots sur l’espace de la page et l’aspect typographiques des caractères, Stéphane Sangral nous entraîne dans son monde vertigineux de questions en quête de sens. Deux vers sont en préliminaire du livre « Sous la forme l’absence s’enfle et vient le soir / et l’azur épuisé jusqu’au bout du miroir... ». Leurs lettres une à une s’égrènent au bas de chaque poème du livre comme pour souligner chacun d’entre eux du sceau de l’absence. Le poète interroge le mot, - le monde ?-, et le fouille au plus profond pour en extraire la réalité des choses. Que recèlent le mot, le vers, le texte... qui pourrait remplir une absence ? Au-delà, l’auteur dans le jeu de leurs reflets multiples cherche désespérément le sens de la vie. Sens derrière le sens, mot derrière le mot, pour le poète la réalité du monde ne cesse de se cacher, au-delà.
Tout est suspecté d’être factice, illusion, tromperie. Tout est alors interrogé et mis à la question.
Et dans sa quête le poète se captive et s’enferme. Mais de ces répétitions de mots qui reviennent dans les vers, une musicalité se fait entendre. Il naît à ce moment dans les poèmes comme une psalmodie incantatoire qui aurait le pouvoir magique de lever le mystère du langage ou du monde. La poésie pourrait être ici cette hésitation prolongée entre le son et le sens telle que Valéry la définissait. Mais le son qui s’élève ici des poèmes ne semble pas fécond :
« Et je ne suis qu’un bruit inutilement chu/ du silence.../ » ;
« ...qui hante l’infini le bruit que je suis... »
« On ne possède jamais le sens total d’une phrase... » affirme le poète au début d’un poème. Mais l’obstination de l’auteur à vouloir transgresser cette affirmation dans sa quête, le transporte dans un monde obsessionnel où seul le néant règne. Qu’est-ce que le vide ? s’interroge encore Stéphane Sangral dans un autre poème dont les vers semblent s’enrouler autour de cette question laissant dans le mouvement de leur répétition une impression de vide. Le vide, le rien, le néant, l’ennui... absorbent et entraînent le poète dans une recherche vertigineuse et funeste.
« et enterré j’attends et j’attends et j’attends et j’attends et j’attends et j’étouffe et j’attends ... »
« J’aime le tout,/ mais seul le Rien m’émeut... » précise Stéphane Sangral. Une pensée qui finira par atteindre la limite d’un réel n’aboutissant qu’au Néant.
« le réel se fissure et laisse par moments : entrevoir le Néant »
et à sa suite, le visage du poète, un visage blessé.
Comme des psalmodies jaillissantes de la sonorité des vers, les poèmes sondent l’univers mystérieux du monde du poète. Dans les scansions vertigineuses des vers, un questionnement du sens, essentiel pour l’auteur, apparaît. Liant une angoisse existentielle à une recherche du sens de la vie, le poète crée par les sonorités de ces ressassements quasi névrotiques, un enivrement des sens. Pour Stéphane Sangral, seuls les mots peuvent évaluer la réalité du monde dans l’espoir d’y rencontrer la matérialité des choses. Et pour cela il s’avance loin, jusqu'aux limites extrêmes du sens et du néant.
HM