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Notes de lecture - Page 10

  • Hommes de l'autre rive - Dimitri T. ANALIS

    Bibliographie de Dimitri T. ANALIS

     

    Obsidiane

    ISBN : 2-911914-50-3                                    

    Fév  2002                      

    62p                              

    10,70 €                                                                                                    

     

    Hommes de l’autre rive est composé de 9 ensembles tous titrés du premier vers de leur premier poème. Mais malgré cette présentation le livre est bien a lui seul un  long poème où notre lecture progresse à la découverte de ces Hommes de l’autre rive. Ils se révèleront dans leur univers dans  la succession des poèmes. Ainsi des espaces, comme les paysages d’un territoire se dévoilent, des éléments terrestres apparaissent et dans le clair-obscur des poèmes on rencontre  le vent, la mer ou la brume lorsqu’elle se dissipe. À travers les ensembles de l’ouvrage on avance vers La rive où s’animent ces hommes. Ils se distinguent alors avec plus de  précision  lorsque leur sort, leur omniprésence ou leur exil nous sont suggérés.

    Du début du livre jusqu'à sa fin un mouvement existe qui nous entraîne. Celui peut-être que le regard du poète décrit en direction de ces hommes demeurant sur l’autre rive. C’est un regard perçant pourvu d’un vive acuité qui  scrute ces hommes, de leurs silhouettes entrevues jusqu’aux traits de leur visage intérieur. Un mouvement ainsi s’exécute, comme celui d’une caméra qui réaliserait un travelling avant, lorsque les sujets en ligne d’horizon se rapprochent  en un presque gros plan. Et dans ce mouvement, sans cesse,  le poète questionne ces  figures qui l’accompagnent.

    Songeant à la nationalité de Dimitri T Analis j’imagine comme théâtre de ce livre  le territoire d’ Iles Grecques de son pays natif qui furent à différentes époques marquées par de riches  présences : Saint Jean l'Evangéliste, Hippocrate, Homère. Epicure, Pythagore, Sapho, …

    Au fil de sa lecture et  avec le poète, le lecteur s’interroge sur l’identité de ces hommes. Le poème  de la page 17 comporte des vers qui nous éclairent  et dont les  deux  derniers  me paraissent être au cœur du livre.

     

         « Parmi les dunes de sable, au-delà du rivage,

          Les mêmes visages ont toujours fait naufrage

         -Tous les absents et tous les morts, réfraction –

         Car entre eux et nous sombre la mémoire. »

     

    Ne sont-ils plus aujourd’hui les hôtes de notre mémoire ceux qui agirent, qui pensèrent et qui vécurent dans la même condition d’homme que la nôtre ? Au moins demeurent-ils ici dans celle, bienveillante, du poète qui se penche sur eux.

    Au cours de ma lecture, je suis guidé par l’idée que la vision de ces Hommes de l’autre rive  prendrait sa source dans les eaux, le vent, la chaleur des Iles grecques et leur riche histoire, mythique ou réelle. J’imagine alors le poète absorbé dans une contemplation méditative, tournée vers ces paysages méditerranéens  doublement marqués par l’enfance et par la culture. Et se défiant de lui-même il ne s’abandonne pas à ce qui serait moins nostalgie qu’illusion, quand seule la quête d’une  vraisemblance tangible ou d’une réalité possible l’anime. Alors il interroge, il enquête comme en ces quelques vers :

     

         Et vous, qui êtes-vous, des souvenirs

         Des illusions perdues comme des vieux parents

         Des formes que prend l’œil du rêve/…

       

         ou celui-ci encore :

       

         Ont-ils des sentiments, de l’amour, de la haine ?/… 

     

    Qui sont-ils ceux qui nous interpellent et qui hantent nos mémoires ? Fruits du souvenir ou de l’imagination ? Pour Dimitri Analis ces corps errants se découpant  entre les brumes d’un été, peut-être méditerranéen, ne seraient désormais que présences sans territoires hormis ceux que la mémoire accorde. Ces Hommes de l’autre rive, je les imagine tour à tour,  Justes,  Sages, Poètes, Philosophes, Dieux, Statues, Livres… Ils sont les gardiens de notre savoir ! Ils luttent pour exister –  et à travers nous – ne pas être « mirage », « apparences », « reflets » ou « rêverie ». Ils sont flambeaux, phares, lueurs :

     

        Flammes amplifiées par le vent du large

     

    et nous guident malgré.

    L’homme de mots et de langage qu’est le poète nous alerte. Il avertit que notre  civilisation  oublieuse retourne à celle des images-sans-mot d’où elle s’était arrachée. Ces Hommes de l’autre rive ne seraient alors que  ceux qui se sont attachés au cours des siècles passés à éclaircir dans l’esprit humain les grands territoires obscurs.

    Je crois que Hommes de l’autre rive est un livre sur la mémoire, sur son existence et son impérieuse nécessité. Ce qui demeure en nous, ce qui fut vécu ou appris, ce qui fut découvert ou transmit est contenu et protégé par la mémoire. Et qu’elle soit  individuelle ou commune, elle est fragile, précieuse et indispensable pour que l’homme reste debout! Sans mémoire du passé, pas d’avenir qui ne règne.

     

     

         Ils n’arrivent pas à esquisser un sourire

         leurs traits s’effacent de leurs visages

         L’ombre ou le temps pourraient les mutiler.

         Sur cette grève où la lumière est plus dure

         Que le vent, ces formes n’existent que pour

         Certains regards, les imaginer est, peut-être

         Leur seule vérité, leur existence réelle. 

        

          Hervé Martin

  • Là - Yves BOUDIER

    Biobibliographie de Yves BOUDIER

     

    Edition Farrago /  Collection Biennale Internationale de Poètes en Val-de-Marne

    N° ISBN:2844901271                           

    Nov 2003                           

    66 p                         

    12€                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

     

    Quelque chose, que je ne sais nommer, me traverse à la lecture de ces poèmes d’Yves Boudier. Poèmes dont la forme sur la page m’interpelle. Ce n’est pas seulement qu’elle m’intrigue, mais elle m’accroche à sa présence. Peut-être par la sobriété des poèmes, comme des stèles posées, sur le calendrier de jours vécus ?Ce sont quatre ensembles de poèmes, titrés aux noms de mois de l’année Janvier, Février, Mars et Septembre -, qui composent ce livre. Episodes funestes que l’on soupçonne sous le dépouillement du langage, la brièveté de la forme.

     

    En aval du siècle

    trois semaines

    de l’autre

    côté

    puis rien

     

    Les poèmes sont courts. Les vers ténus, dans une mise en page aérée. Ce qui caractérise plus particulièrement l’écriture d’Yves Boudier, avec sa brièveté, ce sont les distinctions typographiques utilisés pour différencier les sources du langage. Deux voix, cohabitent ainsi dans les poèmes tout au long du livre. Quelle est cette écriture différenciée – cette voix – qui demeure dans la distance typographique de l’italique et de la parenthèse ? Quel est ce contrechant, qui accompagne et rythme la parole, comme scindée dès lors, du poète ? Mais voix aussi qui résonne en harmoniques dans son lieu intime et qui fait du poème, ce juste écho du ressenti.

    Qui chante là quand toute voix se tait ? Ce vers de Philippe Jaccottet interroge au coeur l’émergence de toute parole poétique. , dans ce lieu du poème ? Où la parole de l’Être est scindée. Deux voix. L’une se distinguant de l’autre. Distante. En retrait. Un contrepoint se démarquant plus encore sur la page, par un cadrage à droite, semblant dans cette volonté, inscrire plus profondément des frontières ineffables de l’Être.Qui réside dans le lieu de cette opposition ? Quelle douleur, quelle peine trouble ainsi le souffle du poète, jusqu’à la rupture de certains poèmes sur la page, dans cette traversée verticale d’un vide, entre deux écritures se faisant face ?Quelque chose se passe - - que je ne sais nommer. Mais qui m’atteint par le poème sur la page. Et qui me touche.

     

    HM