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  • Après OBSIDIANE, LE MACHE LAURIER voici SECOUSSE...

    Avec les éditions Obsidiane, François Boddaert  propose sur le site internet de l'éditeur, SECOUSSE , une nouvelle revue de littérature, numérique cette fois,  époque oblige! Cette revue numèrique est téléchargeable au format pdf.

    Poésie, proses, essais, notes de lectures, cartes blanches... sont au sommaire de ce numéro de Juin 2010 avec notamment les voix de:

    Pascal Commère, Adrienne Eberhard  , Bruno Germani, Constantin Kaïteris,Nichita Stănescu, David Bosc, Lionel Bourg, Christian Doumet ...et d'autres

    Empressez vous de télécharger ce numéro à l'adresse :

     

    http://www.revue-secousse.fr/Secousse-01/Sks01-Sommaire.html

     

    Et faites le savoir autour de vous !

    hm

     


  • LA SUPREME EMOTION

    Snowdon King,

     

    ASLRQ Éditions,

    Pierrefonds, Québec,

    116 pages.

     

     

    PASSAGE DES SEUILS

    Le processus d'écriture de Ionut Caragea (Alias Snowdon King) dans "La Suprême émotion" constitue le lieu d'une enquête préliminaire. Le poète d'origine roumaine - et même s'il prend un nom à l'américaine, on verra pourquoi plus loin - ne joue pas pour autant à cache-cache avec son histoire. Son livre donne l'effet d'un puzzle. En effet ce dernier ne se laisse connaître que sous formes d'indices dispersés. Prenant le risque de la poésie (donc de l'écriture de soi) Snowdon King cherche à donner une assise à l'afflux de tout ce qu'il draine en lui. Les dépôts de vies (le "s" est important puisque par l'exil il en connaît déjà deux) et de lectures se transforment en impulsions et effluves poétiques. "La suprême émotion" devient une sorte de journal intime qui roule des mers intérieures de la Caspienne à l'embouchure du Saint Laurent.

     

    Surgit un autoportrait fiévreux et lyrique. Il contient de belles réflexions, des moments rares d'intensité même si la poésie demeure parfois emphatique et ouvre à quelques (rares) réticences. Mais Snowdon King est jeune. Or le chemin de la poésie est long. Il faut du temps pour faire bouger la langue. Reste tout de même des oratorios de la douleur et de la rédemption au sein d'un univers qui à n'en pas douter deviendra singulier. Les germes sont là d'un souffle et d'un condensé humain à la recherche de la réconciliation. Dès lors ce qui compte n'est plus : 'qu'est-ce qui se dit du monde dans la poésie ? "mais comment ?". Chaque poème inscrit un moment donné. Il correspond par son souffle à des événements vécus.

     

    Par ailleurs le poète n'a de cesse de chercher des rapports entre l'écriture et la vie. Rien ne l'oppose donc à ce qui serait le réel, au contraire. En ce sens la question de l'amour est importante pour lui. S'y joue bien plus que sous toute autre forme le lien au monde. Celui-ci passe aussi par le choix du "format" des poèmes. Certains permettent de faire un type d'inscriptions. Mais celles-ci se modifient à chaque transfert de formats. Les  petits réclament de plus réduits encore. Plus loin, à l'inverse, tout doit s'élargir vers quelque chose de plus grand. Pour Snowdon King il ne peut donc pas y avoir de stockage des formats prédéfinis.

     

    Leurs choix s'effectuent dans la continuité et l'impératif "logique" du travail de reprise et de conquête du poète. Et ce même si l'auteur se bat pour conquérir l'essence de sa voix la plus profonde :

     

    "D'où venez-vous, mes mots

    De quelle maçonnerie de la nuit

    De quelle magie blanche de la neige éternelle

    De quel cœur dont les fenêtres sont fermées

    Peut-être une boîte à surprise

    De désirs sans fond"

     

    écrit-il dans "La magie des mots aux dents acérées". Il prouve là combien la poésie est une exigence. Car pour le poète les mots sont aussi "naturels" qu'énigmatiques. Et parfois ils se déploient à la manière d'arabesques matissiennes - même s'ils sont traités d'autres fois de manière brutale puisque tracés par la succession d'interventions particulières dont ils tentent de conserver l'état particulier.

     

    L'ambition de Snowdon n'est pas de créer de la poésie de poète, pas plus que d'en faire un jeu qui limiterait les textes à un délassement. Il s'agit de l'envie de se confronter avec l'idée de la matière poétique en tant que matière du monde. L'ambition est majeure. Elle réclamera encore de l'approfondissement mais elle donne l'occasion d'une confrontation avec une masse, un poids, une épaisseur de vie.  Elle est traitée par couches. Cela permet déjà  d'envisager la  question de la densité même si parfois une part de "jeu" ou de distance permettrait paradoxalement une respiration plus ample en une sortie de l'étouffement.

     

    Néanmoins ce texte permet à Snowdon King  d'éprouver ses vies et de les accepter. C'est aussi un pari pour lui de voir comment son travail va se développer dans un lieu et un contexte particulier. Influencé par ce qui le précède, le poète ne tourne pas autour du pot. Son écriture devient une manière de dire la difficulté de s'extraire de certains chemins pour en trouver de nouveau même

     

    "s’il n'est pas jusqu'au moindre départ

    qui ne laisse derrière lui un retour".

     

    Par ce biais Snowdon King aborde aussi la question des limites et des seuils  tout en accordant à la poésie ce qu'on lui refuse trop souvent aujourd'hui : le privilège d'une  beauté plus agissante que décorative.

     

    L'écriture devient le moyen de franchir des passages, d'explorer le rapport du "fond"  au "motif". Cela renvoie à une forme de dilatation de l'expérience vécue.

     

    La poésie reste en conséquence capable de passer d'une logique d'espace "européen" (espace centripète) à un espace plus "américain" (centrifuge). D'où sans doute la volonté du poète de changer de nom. Cela n'est jamais innocent et révèle une manière de parier sur le futur plus que de se crucifier au passé. Certes la situation du poète fait que son héritage est complexe mais celui-ci impose la nécessité inhérente de passer des seuils. D'ailleurs le poème se distancie de l'espace. Il prend place sur une surface qui peut excéder le présent. Entre la vie et son inscription poétique surgit une nouvelle source d'expérience : celle des livres à venir. C'est pourquoi "La suprême émotion" reste un livre avenir.

     

    JPGP

  • SHARAWADJI - Manuel du jardinier platonique

    Pascale Petit

     

    Éditions L’inventaire – Ville de Rambouillet

     

    17 €

    2 ième semestre 2010

     

     

    Est-ce dans l’intention de cultiver son jardin secret que Pascale Petit a choisi d’écrire Sharawadji. Manuel du jardinier platonique dont la composition est bien singulière ? Un livre qui paradoxalement lui offre l’occasion de s’écarter des limites ordinaires du jardin, pour s’infiltrer par la poésie dans les territoires de l’humour, de l’amour et parfois avec certains poèmes de la troisième partie, dans ceux de l’érotisme. « Ouvrez ma pastèque/ trouvez mon coquelicot / Mes lèvres ont donné leur nom /... » Ici l’écriture du livre étire les territoires du jardin aux frontières de l’intimité amoureuse. C’est par l’imbrication de formes diverses : calligrammes, poèmes, proses, croquis, proverbes ...et dans l’ambiguïté des registres de lecture possibles que se loge aussi l’un des plaisirs suscité par ce livre.

     

    Divisé en quatre saisons le livre semble organisé comme un almanach. Dans chacune des saisons, des rubriques redondantes rappellent au lecteur la forme de sa composition : « Proverbes du jour », « La leçon du jardinier », « Exercices ». D’autres intitulés plus singuliers, comme « Le nombre de pas » ou des textes « duos » viennent cadencer dans le même esprit la composition du livre et élaborent en guise  de fil d’Ariane les signes d’une relation amoureuse.  

     

    Sharawadji : Terme exotique, qui désigne la beauté qui advient sans que soit discernable l'ordre ou l'économie de la chose…. L'effet survient contre toute attente et transporte dans un ailleurs, au-delà de la stricte représentation, donc hors contexte.

    En effet, la lecture provoque ici parfois des plaisirs subreptices, qui nous sortent d’un coup – et contre toute attente –  de nos impressions premières par un rire, une joie ou un étonnement.  Sharawadji !  pourrions nous alors crier  lorsqu’une émotion surgit soudain au cours de  notre lecture. Oui, l’effet sharawadji  ressemble au plaisir suscité par la poésie, quand la lecture d’un vers nous étreint curieusement la poitrine.

     

    Le poème calligramme qui débute la première saison a l’apparence d’un labyrinthe, renvoyant à des jardins où, songe-t-on, le jardinier et la jardinière ne cesseront de se rechercher au cours du livre pour se séduire  au rythme des textes intitulés « Le nombre de pas » : « .../ Au quatrième pas, combien nous en reste-t-il ? / Faisons un pas de plus, voulez-vous bien ?/ Voire plus./.. ».

     

    Et Pascale Petit pose la question : Est-ce que le nombre de nos pas changent le paysage ou la qualité de notre regard ? Ou notre regard qui guide notre émotion parfois ou simplement le jardinier ? s’interrogeant sur ces obscurs objets du désir qui guident nos comportements de séduction. Cette question du désir sans cesse affleure à travers le vocabulaire choisi. On la trouve parfois en des noms de végétaux semblant sortir d’un dictionnaire de botanique tels sassafras, héliconias, benjoin, sapinette, plaqueminier, tamariqsue… D’autres fois en des mots que l’on prononce en bouche comme autant de gourmandises savoureuses.  La troisième saison du livre qui,   passé les bords,  se lit entre les lignes dans au moins un double entendement me semble significative de l’élaboration du livre où un poème est précédé de ces vers : « De ce qui se passe au bord / il ne sera rien dit / car vraiment on s’y tient très mal,/ on s’y tient très mal. »  Beaucoup donc nous sera suggéré !

     

    « on sème / on sème / on sème / (Car on a le secret / Pour tout faire arriver / Jusqu’à la bonne grandeur / Pour être manié / Puis on délivre le jardinier...) » Ainsi l’homophonie et des jeux de sonorités font aussi surgir en nous ces étonnements ludiques et malicieux. « j’me plais dans les près, j’me plais / j’me plais dans les près, j’me plais / »

     

    Il faut découvrir ce livre riche par sa diversité et ses registres de lecture multiples écrit autour de l’art du jardin et étroitement liés au désir de cultiver l’intimité de ses jardins les plus secrets afin d’y  Faire surgir monts & merveilles de la terre pour un grand plaisir de lecteur.

     

     HM

  • EN TIRANT SUR LES MOTS

    James Sacré

    Éditions Potentille

     

    7 €

    2 ième Trim 2010

     

    Refermée l’ultime  page du livre, achevé le dernier poème, quelque chose de curieux se produit. J’ai le sentiment de trouver dans ce livre un peu de moi-même. C’est souvent le fait d’un bel ouvrage de poésie qui lie le singulier au collectif. Et en le refermant, j’ai le geste de presser le livre contre moi, tout en serrant de mes doigts l’épaisseur de ses pages comme pour tenter de saisir, je ne sais… ce sentiment qui s’en échappe et me rattrape. La poésie est affaire du corps.

     

    Un sentiment alors que j’interroge et creuse. Cette impression confuse d’une beauté jaillie de la lecture. Beauté qui me fait signe par l’évocation du père et par la simplicité  – apparente –   d’un parler recréé qui me fait songer à celui de paysans, ces gens de terre. La poésie est-elle comme un travail de la terre ?

    Et la forme de cette écriture, non dans son apparence sur la page mais dans la structure du langage me touche, comme bouleversée soudain par l’émotion, jamais loin, qui se glisse dans le vers. Vers langagier et chaotique qui tracent comme des labours préparant des récoltes d’une saison prochaine. Qu’est-ce donc la poésie ? L’importante bibliographie de James Sacré n’a pas épuisé la question. D’où provient ce plaisir, ce désir d’écrire des vers ? James Sacré le recherche sans bien réussir à le préciser. Et c’est tant mieux au fond ! Car c’est bien par cette quête que nous trouvons nous aussi, notre plaisir de lire.

     

    À moins, que ce plaisir suscité ne se loge subtilement dans la forme de cette écriture ? Lorsqu’elle recrée ici une langue,    ce langage qui est comme –chahutant la syntaxe pour évoquer à mes sens ce parler entendu dans l’enfance. Celui des vieux d’alors rectifiant la syntaxe aux contrées de la règle, percutant les oreilles de leurs élans de bons sens.

    Un parler,  faut-il le rappeler, pétrit dans cette obligation, que dis-je ce devoir ! d’apprendre la langue de ce pays de France.  Une langue de  terre bien émouvante. Mais « d’où vient ce qui chante » écrit le poète

     

    Et pourquoi écrit-on ? James Sacré s’interroge dans le flux de ses vers   Si j’ai quelque chose à dire,  s’étonnant de savoir Si même c’est de la poésie / tu ne sais pas. Mais il ressent imperceptiblement pourtant que ça remonte de loin et que soudain sur la page,  c’est là !

    d’avoir trimé longtemps, bien t’es content

    Et le lecteur aussi dans ce plaisir partagé !

     

    HM

  • ECHELLES

    Alain Wexler

    Editions Henry

    Montreuil-sur-Mer

     

    L’échelle en tant qu’objet reste la belle abandonnée des poètes. Devenue symbole elle fait l’affaire des scientifiques et des physiciens. Cette affectation « technique » est sans doute pour quelque chose en l’indifférence poétique à son endroit d’autant qu’en tant que métaphore son image est éculée. On peut pourtant lui accorder le plus grand intérêt : née bois et créant le lien entre le haut et le bas, l’homme tout entier fait corps avec elle.

     

    Fidèle entremetteuse de l’élévation Wexler en fait son miel sans pour autant la considérer comme l’accès vers un au-delà. Il existe en effet dans l’objet autant des possibilités de chute que d’exhaussement.  Dans la fluidité qui lui est chère le poète lui offre une nouvelle dimension et un mouvement cyclique. Quand l’échelle atteint le toit, les ardoises en effet peuvent commencer à y glisser. Mais toujours est-il que pour l’auteur elle reste l’intermédiaire « entre l’homme et ce qui l’environne »  pour ouvrir le champ de son réel et de ses possibilités.

     

    Proche de Ponge la poétique de Wexler fait éclater les images du réel par un détournement particulier. Il permet de dépasser le pur symbole, la simple allégorie de l’objet. Le poète pratique dans son livre des labyrinthes et des digressions jamais intempestives contre la « maladie de la langueur ». Il poursuit une aventure toujours recommencée à chaque nouvelle étape. Ni simple reflet du monde extérieur ni seul projet du moi profond, son texte reste la meilleure formulation possible d'une réalité absente dans laquelle une sensibilité inquiète mais solide rôde.

     

    Ému par la fragilité des êtres et des choses mais aussi par les grands espaces, le poète organise son travail par séries jamais closes. Et devenu "phénomène d'être" selon la formule de Bachelard, l’échelle dépasse ici la simple thématique. Une réalité plus profonde est convoquée. Le monde est redécouvert, dévoilé et s'ouvre à une contemplation émotionnelle qui ne possède rien de compassionnelle. On se retrouve Au pied de l’échelle en quelque sorte. Ponge n’est donc jamais loin.

     

    JPGP