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Incertain Regard - Page 4

  • « LETTRES CAPITALES » Exposition du 5 avril au 18 mai 2013, Marseilles

    « LETTRES CAPITALES »
    Exposition du 5 avril au 18 mai 2013

    Inauguration le jeudi 4 avril 2013 à 18h30

    Cette exposition, initiée par Christine Fabre et Jean-Noël Làszlò, se présente sous la forme d'un abécédaire composé de 26 livres tous originaux renvoyant à une lettre de l'alphabet. Chaque livre/lettre de l'alphabet est associé à un poète dans un principe de correspondance avec l'initiale de son patronyme. Toutes les reliures sont créées par Christine Fabre.

    Poètes de Marseille, de la Méditerranée, de renommée internationale, tels que Daniel Biga, Henri Deluy, Renaud Ego, Bartelome Ferrando, Liliane Giraudon, Marie Huot, Gil Jouanard, Salah Stétié, Hamid Tibouchi, Jean-Jacques Viton… ont apporté leur contribution poétique (et parfois plastique) à cet évènement soutenu par l'association Marseille-Provence 2013.

  • De-ci , de-là de Bernard Dufour

    « De-ci, de-là »,

    Bernard Dufour,

    Éditions Fata Morgana,

    Fontfroide le Haut,

    26 pages,

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    Surgit du livre de Dufour une sensation étrange : à mesure que l’on regarde, « ça » infuse et absorbe. Sans que l’on puisse mettre un nom sur ce « ça ». Émerge en effet un registre du rituel là où pourtant l’art plastique s'exclut de toute bonne manière pour retrouver une primitivité. Il convient de se laisser entraîner (prise en la prise) dans les mouvements et les dérives du noir brut des coulées rapides là où Bernard Dufour ne joue jamais sur l’effet de brûlure. Ne reste de l'image que des lignes hâtives, nerveuses. Dans chaque dessin il y a un faire et un défaire, une prise par défaut, un défaut dans le dessin en sa facture classique.

    Le dessin sert enfin à autre chose qu'à raconter ou à montrer du corps. Il le remet en jeu, il l'enjambe dans une inscription figurative qui accepte le déficit, la perte de contrôle. Par mouvements vifs, partant du haut ou du bas, Bernard Dufour offre ainsi une descente en nous-mêmes à travers ces images. Mais si cette descente est possible c'est parce que nous ne sommes pas dans le tableau : il ne fait plus miroir : la "réflexion" remplace ce miroir.

    L’essentiel réside dans la machinerie, la fabrique, "la mécanique à dessiner". Avec « De ci, de là » comme dans toutes les œuvres de Dufour un "thème" ne joue jamais au-dedans d'une image qui l’illustrerait ou en fournirait des variations. Si réel il y a, le peintre le fait échapper, excéder, s’enivrer par défaut. Il permet de toucher à une sorte de saturnisme en jouant sur l'achèvement et l'inachèvement. Par la prise arrachée au sein d’un continuum se reconstruit, émerge quelque chose de non fini, de suspendu.qui n’oppose plus le travail de la jouissance à sa mise à jour.

    JPGP

  • Alberto Giacometti, Dessin - Texte de Louis Clayeux

    Alberto Giacometti, Dessin,

     Texte de Louis Clayeux

    Éditions Galerie Claude Bernard,

    Paris,

    162 pages,

    20 Euros.                              

    Une lecture de Jean-Paul Gavard-Perret.


    Dans ses premiers dessins, même si les visages sont parfois ronds, Giacometti est déjà le sculpteur en deux dimensions du décharnement et de l’effroi. Corps et objets sont transformés en volumes. Même bien nourris ceux qu’ils dessinent sont déjà des spectres en puissance comme si l’artiste les radiographiait au rayon X de son regard azur.

    Mais ce faisant et par le dessin ils font front à l’éternité tandis que de tout leur silence vrombissant ils témoignent aussi de l’irrécusable solitude de leur créateur.

    Leur signification échappe pourtant à tout pathos, tant, comme les antihéros de Beckett, ils se situent bien au-delà. C’est sans doute pourquoi leur « signification » dépasse de mille lieues une simple illustration de la condition humaine.

    Giacometti savait qu’en art la couleur est une aliénation déterminée par des réactions émotives. Elle reste sans efficacité réelle pour l’esprit. À l’inverse le trait « abs-trait » si l’on peut dire et impose une modalité perceptive que la couleur noie pas l’excès des sensations. A la « colore » s’impose donc le « disegno ».

    Et dans tous les dessins de Giacometti une présence de vie se bat contre le peu qu’elle est. L’ombre attend son heure. Et pour l’artiste ce ne sont pas seulement les êtres qui la  portent en eux mais les Dieux illusoires qu’ils ont créés afin de pouvoir s’extirper tant que faire se peut de leur angoisse du temps.

    Contre les images pieuses les dessins de l’artiste évitent tout lyrisme, tout tragique. Mais ils ne sont pas pour autant purement circonstanciels et réalistes. Les statues sont là en germe. Elles glissent furtivement sur les pages de cahiers, de carnets. Néanmoins ici les presque morts restent des presque vivants même s’ils semblent excoriés de leur chair.

    En eux reconnaissons simplement nos frères d’ombre autoritaires. Leur présence au monde ramène à notre étrangeté. Ils entraînent dans leur sarabande immobile pour faire de nous ce que nous sommes des êtres triviaux et  tristement orgueilleux de n’être que ce creux qui chacun s’efforce de cacher comme il le peut.

    Yeux absents ou fuyants, pensifs ou lointains les visages dessinés par Giacometti restent ceux de fantômes insomniaques de notre propre inquiétude. À travers  ces rares invités d’une attente à redouter  le futur sculpteur  ouvrait l’art à un autre espace : A savoir un horizon à la fois trop haut et trop bas. Qui  ne donne sur rien.

    Giacometti - avant de dresser les êtres  au cœur d’une mélancolie et d’un effroi qui ne sont pas psychologiques – se contentait de les étudier, saisissant leur regard perdu. Comme s’ils regardaient les nuages dans le ciel absent. Réapparaissant dans les sculptures debout mais harassés ils seront voués à marcher péniblement dans leur désert avant de rejoindre l’Achéron.  Entendons par ce mot la nuit de l’être qui - et c’est bien le plus terrible - ne peut pas être ramené au néant.

    Pour l’heure et dans ses dessins Giacometti chérissait ceux qui n’étaient déjà plus vraiment dans l’espace mais y trouvaient encore çà et là une chaise esquissée pour se poser. Sentant que leur histoire moins que de finir n’avait – tout compte fait – jamais commencé. Les lignes sont converties à une fluidité qui se marie à la lumière dans une forme d’effacement. Les visages restent des ombres portées sur un crépuscule sans fond ni repère. L’art se mesure à ce qu’il est : l’ébranlement de la pensée par le trait de cendre et de graphite. Libre et savant le dessin dans ses apparences d’ébauches reste inflexible.

    JPGP

  • Le silence des pierres - Matthieu Baumier

    « Le silence des pierres »

    Matthieu Baumier,

    Le Nouvel Athanor, Paris,

    2013,

    92 pages,

     15 Euros.

     

    L’histoire des arts est traversée par une distinction cruciale entre ceux du temps (musique, danse, théâtre) et ceux de l’espace (peinture, sculpture, architecture). Cette distinction et cette dichotomie reposent sur bien des malentendus que la poésie - et plus particulièrement celle de Baumier - balaie. Elle n’annule plus le passage du temps, ne nie pas plus une sorte de mystique de l’espace par effets de rythmes et d’échos.

    Il existe dans ce livre  une synthèse du temps et de l’espace. Chacun est un « baiser » au sens où il marque l’instant mais aussi un appel qui le transgresse vers une sorte d’éternité provisoire. Mais éternité tout de même. D’où l’effet de décomposition du temps par chaque poème et en même temps l’effet de mouvement qui s’étire dans l’ensemble du corpus sans qu’il se limite à un syncrétisme caoutchouteux.

    Peu à peu les poèmes s’enlacent. On peut alors facilement imaginer qu’entre eux puisse à nouveau s’étirer le temps et le décomposer en nouvelles figures. Si bien qu’à l’image du baiser qui évoque la répétition des histoires d’amour depuis toujours dans la poésie ou les arts plastiques est remplacée implicitement par celle d’un axe fléché à la recherche d’une renaissance de l’être (par l’amour certes, mais qui ne se réduit plus à ce qu’il est dans la poésie ; c'est-à-dire extrêmement fermé).

    L’expérience de la contemplation esthétique est donc remplacée par la visée d’un horizon appelé. Par cette « identité » nouvelle tout change. La poésie sort des ornières où souvent elle se creuse et l’auteur rejoint les hauteurs d’un Jabès, d’un Gamoneda ou d’une Maria Zambrano.

    JPGP

  • Un cadastre d'enfance - ROLAND NADAUS

     

    Un cadastre d’enfance  - et quelques-unes de ses parcelles -

    Roland Nadaus

    Éditions Henry

    ISBN : 978-2-36464-035-6

    Novembre 2012  - 126 p

     

     

    Un cadastre d’enfance vient de paraître aux éditions Henry dans la collection La main aux poètes dont le catalogue s’accroît régulièrement  depuis sa création en 2009.

    Dans le texte préliminaire en prose Journal d’enfance, Roland Nadaus, à travers le regard de l’enfant qu’il fut situe un lieu, La baraque, pose les unités de temps, Aujourd’hui, Demain, Hier, Présentement ! décrit le contexte de  scènes où se joua la comédie humaine d’un quotidien populaire. L’enfant y percera en silence les secrets familiaux qui le concernent intimement.

    Dans la maison des secrets / l’Enfance grandit sans murmures / - car les enfants devinent tout en silence -.

    Là, des personnages s’animent, Môman, Mémère- Boiteuse, Monica Ramos, l’oncle Gus,  et avec eux dans la confusion du regard de l’enfant, l’image troublée du Père qui ne cesse d’être interrogée. À toutes les pages, l’enfant est présent. C’est lui qui écrit les poèmes, lui qui rappelle ses souvenirs, lui qui trace les méandres tourmentés de sa vie naissante - Qui a prétendu que l’enfance / était l’âge de l'innocence / et le plus charmant de la vie ? -. écrit Roland Nadaus. Il n’est pour s’en convaincre que de lire les poèmes.

    Se succèdent alors des scènes  pittoresques, Sous mes yeux éblouis / d’apprenti sorcier/ elle pissait pissait / pissait  plus fort que Paul Dukas/… des portraits tendres, tel le poème intitulé mon vendredi à moi. Mais aussi  des situations ou des souvenirs qui suscitent la gravité et touchent le lecteur Oui : mon enfance

    m’étrangle / quand je respire la nuit.... Et dans cette succession où l’alternance des poèmes nous conduit, le lecteur passe du sourire à l’étonnement, de l’interrogation à l’émotion retenue, Le cœur noir de mon père/ le cœur rouge de ma mère /battaient de la même angoisse/… d’où le poème suivant soudainement  nous  soustrait par une rupture de ton ou l’avènement d’une scène singulière.

     

    Malgré le ton distancié, la gravité et la densité du propos surgissent avec force. Cependant Roland Nadaus maîtrise ici la difficulté d’écrire un livre au plus près de soi, sans succomber au risque d’un affect qui serait trop présent. Il réussit ce livre au sujet délicat avec des poèmes où l’auteur a su lier pudeur et sincérité. Une enfance où notre regard  ne se penche  jamais sans son pendant de gravité empli d’une vraie empathie.

    Quand on découvre que le titre du livre est lié à une confusion, qu’enfant Roland Nadaus établissait entre les mots cadastre et cadavre, on pourra le lire alors avec justesse. Le cadastre est ici le livre où chaque poème porte un titre souligné comme pour rendre hommage à ces moments de l’enfance disparus à jamais.  Deuil de moments heureux ou mémorables, deuil des êtres aimés bien sûr, comme la mère disparue récemment Dans le cadastre de mon enfance / il y a des parcelles d’éternité / - ma mère en est une - .emportant avec elle sinon tous ses secrets, du moins tant de réponses aux  questions restées en suspens. 

    Les situations évoquées dans le livre sont graves, sensibles et contribuèrent à la formation d’un enfant. Comment parler de son enfance ? Sans doute la tonalité donnée aux poèmes et le temps qui a passé l’ont permis aujourd’hui pour Roland Nadaus, après que l’homme, le poète et l’écrivain aient tracé leur chemin.

     

    Mais ce livre raconte également l’histoire de tous les enfants, ceux que nous fûmes aussi, dans l’incapacité de conduire notre propre vie et l’obligation de la subir, pour le meilleur ou pour le pire. Le dernier texte, La soupe aux vers de terre, pourrait bien être une allégorie  à cette situation.

     

    Au commencement était l’enfance, cela durera toute une vie ! Elle nous accompagne l’enfance dans notre carcasse qui se développe, s’étend, s’épaissit dans ce corps qui supporte notre être. À le regarder il semblerait que l’enfance se soit enfuie, si ce n’est que l’enfant, y est toujours présent. C’est du moins le cas pour Roland Nadaus. Il est en lui l’enfant, le protège, revendique en son nom. Et il fait bien, car il aide à ne pas devenir des adultes perçus comme injustes ou insensibles qu’aucun enfant ne voulut être. Comment construit-on une vie d’homme ? Si la République et l’école l’on permit, les conditions d’une vraie résilience parfois sont nécessaires. Et il n’est pas de résilience sans amour. O mon enfance ensorcelée d’amours tristes et / de guerre / - c’est pourtant toi qui m’as appris à aimer -. Roland Nadaus a réussi un parcours en œuvrant à sa vie sans avoir renié l’enfant en lui avec ses désirs et son besoin de justice. Enfant je fus / enfant je demeure en secret / - bien plus lucide que les Grands -.

     

    hm

  • "Ma fellatrice idolâtre" de Fernando Arrabal

    Fernando Arrabal, « Ma fellatrice idolâtre »,

    avec 9 dessins licencieux d'Antonio Segui, Quadri,Bruxelles

    Fernando Arrabal, « Le cahier du refuge 218 »,

    Centre National de Poésie de Marseille,

    décembre 2012,

    Marseille.

    Une note de Jean-Paul Gavard-Perret

     

    Jadis Arrabal était si sombre qu'il connut jamais ou mal la pamoison. Il était idéaliste. L’est moins désormais et ose une vulgate matérialiste d’un type très particulier. Il souque comme un gars de la sardine à Oléron. Sa truite sent le rouge Chanel comme celui du Prix Unique. Car avant de sucer les fraises il y a d'autres plaisirs plus tombal et velouté.  Toutes les « Ruth-à-baga », les « fortes Marie-Bas-de-Laine » ne font cependant pas l'affaire. Pour que le jus roucoule dans le cagibi à mots n'importe quelle « canaillotte » ne fait pas l'affaire. Il faut celle qui « scrapule », « musique », « dente » (juste un peu pour éviter l'Enfer), « drapule », rue, nuance tenante, composte, philtre et filte, palpe et mercerise, spirale pour qu'en faim de fin elle boive le lait d'un vin de fesse.

     

     Arrabal s'adressent - et plus que jamais dans ce livre - aux négateurs de percolateurs, aux mangeurs de « l'eusses-tu-cru »,aux retournés des aisselles, aux barrés d'ocre noir, aux adeptes des cuillères à spatule.  Oui Arrabal s'adresse à eux,  leur lance son stupre et son levain. Il présente son corps désirant et son squelette au rabbin à chaussettes, au pope cornu, au curé d'Uruffe. Pas de religion, de doctrine, pas de vierge.

     

    Mais la putain, la sainte, la brute dont la sexualité va de dedans au dehors. Pour la magnifier à ceux qui ne savent pas lire il offre  ses lignes, ses couilles et leurs assauts.  En a-t-il mal au cœur ? Non sans doute. Il lui suffit de se vider la rate de son foutre selon une nécessite « vessiale ».  Il ne s'agit pas d'un absolu souverain que d'en témoigner mais juste affirmer le goût de ce qu'on appelait le péché. Cela prouve une nouvelle fois sa lutte contre l'alliance pérenne de la matraque et de l'encens.

     

    "Ma fellatrice adorée" renoue avec la poésie panique. Le livre redevient une boîte ou une botte à rire, à sourire, à pleurer, à pleurer de rire. C'est aussi  une boîte aux lettres d'amour,  aux lettres de rupture. Une boîte à malices, à Alice,  à merveilles, à saucisses, à crudités. Finie la pose, haro superflu. La mémoire est du sexe. Le foutriquet décharge son outil de jardinier. Avec sa suceuse il ne fait qu'un plein de vilaines pensées qui finissent en « boulemimine » jusqu'à son appareil à boyau.

     

    JPGP

  • "Chez Soi" de Sarah Hildebrand

    Sarah Hildebrand, « Chez soi »,

    textes et dessins,

    96 pages, coll. « Re : Pacific »,

    éditions art&fiction,

    Lausanne, 2012.

     Une note de Jean-Paul Gavard-Perret

     

    Sans connaître l’issue de son propre mystère Sarah Hildebrand ; magicienne des mots et des traces ne trouve comme recours qu’à évoquer et pénétrer des lieux inconnus, - qui deviennent sa demeure chaque fois réinventée. Moyennant quoi elle enchâsse sa propre histoire dans la grande question du secret, de la généalogie du secret, question que tout artiste se pose. Et cette relation au secret se constitue en espace de tension entre « autoportrait » et indices de l’inconnu. De la sorte, elle pose et repose la question de savoir qui elle est, qui est le sujet du sujet.

     

    Les interrogations de  la créatrice portent souvent sur Les questions du lieu, de l’habitat et de l’intimité. À la manière d’une Sophie Calle - mais avec moins de stratégie délibérément voyeuriste - la recherche du lieu porte vers quelque chose de trouble et de troublant. Celle qui rêve « sur un tas de feuille morte de se sentir chez soi » a quitté son lieu d’origine (Genève) pour retrouver sa propre intimité. Elle pénètre par exemple en inconnue dans la maison d’une personne décédée ou en étrangère dans son pays d’adoption, l’Allemagne, encore habitée en filigrane des heures sombres du passé où certains  furent jetés hors de chez eux.

     

    Contre l'épargne des images poétiques ou plastiques celle qui n’écrit que dans les cafés trouve une submersion, un moyen de casser nos illusions « d’optique ». L’espace poétique est déspatialisé afin d'accéder au statut d'une expérience. Les lieux hantés par Sarah Hildebrand acquièrent la troublante souveraineté, l'efficacité d'un lieu de mémoire - même si ce n'est pas la sienne, même si ce n'est pas la nôtre – du moins a priori.

     

    Tout compte fait, au sein du secret ou de ce qu’on prend comme tel, l’artiste produit une œuvre au statut particulier dans ses frottements temporels et géographiques. Ayant à faire au motif autobiographique Sarah Hildebrand refuse simplement de parler d’elle. L'histoire de l'œuvre est donc l'histoire d'une accession à soi par l'intermédiaire de l'autre. En conséquence la dimension poétique de l’œuvre prend un sens particulier.

     

    JPGP

  • ARAGON DANS SON SIECLE par 25 écrivains d'aujourd'hui

    Faites entrer l'infini N°54.jpgAragon dans son siècle par 25 écrivains d’aujourd’hui

    Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet

    23, Allée Paul Langevin

    78210  Saint Cyr L’école

    Abonnement 2 numéros/ 29€

     

    Avec ce numéro 54 Faites entrer l’infini commémore le trentième anniversaire de la mort d’Aragon. Le numéro donne la parole à 25 écrivains d’aujourd’hui, qui tous à leur manière donnent un texte et partagent un regard sur Aragon. Gérard Bloncourt qui est photographe mais aussi peintre et poète participe au numéro avec des photographies de personnalités que Louis Aragon avait connues ou croisées en son temps. On découvrira des textes (poèmes, notes critiques, évocations…) d’Olivier Barbarant, Christiane Baroche, Matthieu Baumier, Pascal Boulanger, Gérard Cartier, Francis Combes, Jean-Luc Despax, Michel Host, Raoul Sangla et de nombreux autres. Entre ces textes, partageant l’écho et l’intérêt suscité par l’œuvre d’Aragon, on appréciera des photographies de poètes, d’écrivains, de peintres, de chanteurs ou d’hommes politiques: Jean Cocteau, Max-Pol Fouchet, Jean Ferrat, Yves Montant, Angela Davis, Marie-Claude Vaillant-Couturier… ou d’autres, anonymes de Paris.

    Un beau numéro participatif !

    HM

  • REFAIRE SA VIE & CLAIRIERES de JACQUES CANUT

    Avec REFAIRE SA VIE et CLAIRIERES Jacques Canut fait paraître les numéros 38 et 39 de la collection des Carnets confidentiels qu'il autoédite depuis une vingtaine d'années.

     

    38 J Canut.jpg                                                                               

    clairières J Canut.jpg

     

                            Entre deux giboulées

           le ciel s'éclaire

           comme théâtre

      à l'entracte

     

                            D'un proche sommet jaillit

                   une fulgurante croix

    de cristal

                                                             .....                        (extrait de Clairières)

    Jacques Canut est  né à Auch en 1930. Il fut professeur de Lettres, Histoire et Géographie.  Depuis 1975 il a publié cent trente recueils dont seize écrits directement en espagnol édités en  Espagne et en Argentine. D’autres furent traduits en allemand, en portugais (brésilien )  ainsi qu’en espagnol et murcien. Plusieurs de ses textes figurent dans des  anthologies aux éditions Gallimard, Hachette, L’Ecole des Loisirs, Milan ainsi que dans de nombreux manuels scolaires dont Lagarde et Michard et Magnard pour des classes de 5ième. Depuis 1992, il autoédite la série des Carnets confidentiels, 39 titres sont parus à ce jour.  Il est possible de se procurer les livres chez l'auteur en passant par Incertain Regard.

    Le prix des livres est de 5€ l'unité.

    Vous pouvez envoyer votre commande à l'adresse suivante:

    Jacques Canut,

    19, allées Lagarrasic  32000 AUCH

     HM

  • Une voix, un regard, Textes retrouvés (1947-2004), - Jean Grosjean

    « Une voix, un regard, Textes retrouvés (1947-2004),

    de Jean Grosjean

    Édition de Jacques Réda,

    Collection Blanche,

    Gallimard, Paris,

    496 pages,

    26 €

    une note de lecture de Jean-Paul Gavard-Perret

     

    Le poète Jean Grosjean (1912-2006) n'a laissé aucun inédit au sens strict du terme. Sous la direction de Jacques Réda Gallimard a pu néanmoins réunir néanmoins une importante quantité de textes critiques jamais repris en volume, qu'il avait confiés à diverses publications. Plus particulièrement à La Nouvelle Revue française où sa présence auprès de Jean Paulhan, Marcel Arland ou Georges Lambrichs s'est manifestée jusqu'au-delà des années 1990 par un nombre considérable de chroniques et de notes de lecture.

    Parallèlement à ses travaux portant sur l'Ancien Testament et le corpus johannique, et à son intérêt pour les grands textes fondateurs qu'il a contribué, en compagnie de J.M.G. Le Clézio, à restituer dans la collection «L'aube des peuples», Jean Grosjean a, au fil du temps, donné à l'actualité littéraire une attention qui bénéficiait de sa familiarité avec l'immémorial. On y retrouve les traits de sa pensée, étrangère aux systèmes et aux modes, et la subtile autorité d'une langue qui distingue son œ… Lire la suite

     

    L’auteur de « Clausewitz », « Apocalypse » et « Hypostases » (entre autres) semble, lorsqu’il écrit, marcher sur la mer. Dommage qu’il y ait désormais si peu de riverains pour s’en soucier. C’est pourquoi il est important qu’un tel livre le relève de la tombe. Car tout au long du chemin de sa vie et de ses lectures, Jean Grosjean témoigne de son audace critique asymptotique à son travail poétique. Il ne se veut jamais un témoin à charge. Ses chroniques ne sont  pas là pour « battre le remous noir » mais rendre visible des livres qu’on a parfois hélas oublié mais qui « voletaient sans qu’on sache s’il descendait d’un ciel sombre ou s’ils s’élevaient des buissons secoués par le vent ».

     

    Ne jetant jamais des fleurs pour le plaisir de les jeter Grosjean propose la défense d’une littérature que lui-même a illustrée même en plantant son bâton dans le désert.  Si bien que les figures mythiques comme les morts qu’on a enterrés trop tôt à nouveau veillent et attentent. Antigone et Electre en tête. Elles restent le symbole, au fond du désespoir et de la mort, d’espoir et d’existence comme le fut en la poésie de Grosjean sa « Reine de Saba ». Après sa mise au tombeau « elle se mit à marcher au-devant du grand soir». Ne se posant jamais en maître, l’auteur a su  rappeler comment les œuvres dignes de ce nom ne cessent de crier  « Grand âge nous voici ».

     

    Le poète privilégie celles qui raniment les questions plus que des réponses. Et celles qui montrent – point essentiel pour le poète – comment l’ombre elle-même peut dire la lumière.  Si bien que dans son écriture  classique le critique reste un dissident capable d’accrocher les lampions devant les fenêtres qui le méritent ou de porter l’attention sur des étoiles inconnues.

     

    JPGP

  • Une beauté plus sourde - Andoche Praudel

    Une beauté plus sourde

    Andoche Praudel,

    coll. Trait Court, Passage d'Encres

    16 pages,

    Romainville.

     

    Le paysage est parfois plus nocturne que la nuit elle-même. Comment trouver le passage ? C'est ce que Praudel, céramiste, photographe et peintre propose en, laissant émerger des surfaces cadastrales tout un substrat agricole et guerrier qui a constitué toute l'histoire du paysage et de l'humanité agissante sous deux axes : la construction et la destruction. Le cru et le cuit aussi.

     

    L'artiste nous plonge  dans la terre et ses strates pour envisager un futur sans terre mais qu'on tente d'apaiser sous couvert d'écologie. Pour autant Praudel ne tombe ni dans le messianisme catastrophique ni dans la leçon de morale. Son poème est un livre d'artiste. Il n'est qu'évocation et non invocation. La vie est devant la porte. L'être est en face d’elle. Le rapport et leur rapport sont mutuels, riche de tout un passé. Avec un volcan dans la tête l'artiste y brasse des limons et des cendres.

     

    Praudel met sous nos yeux le règne élémentaire. Nous y marcherons peut-être bientôt sans appui et nous risquons donc la chute en croyant nous libérer  de nos chaînes. De fait en croyant entrer en aventure nous pénétrons en ignorance.  Le matin continuera à peut-être à verser une soif latente mais nous ne serons peut-être plus les amants du jour. Nous serons alors sans consolation en ayant cassé la communauté et l'union majeure qui nous lie à la terre. Notre rapport risque de devenir sans rapport il n'appartiendra plus à  l’incommensurable. Il n'y aura plus, et c'est bien regrettable à se poser la question de la sincérité, de la fidélité. Notre accord ne sera que de l’ordre de l’infini abandon.

     

    L'artiste mais aussi poète désigne, dénonce  la limite d’une pensée qui se rompt. Toute l'histoire est là. Dans les plis du paysage,  les histoires de solitude et  de foules traversées. De villes où les mots furent inutiles. Une histoire de visage, de jardin, de ciel. Attendre est inutile. Tout arrive.  Mais l'auteur nous demande implicitement de faire encore un pas vers l'horizon.  S'y cache des voies, des sentiers comme si d'une haie de ronce qui pliait sous le vent surgissait des clartés diffuses dans les brumes. Un pivert attentif cherche en voyeur notre existence. Il ne faut pas lui  faire peur.

    JPGP

     

     

  • CHEMIN QUI ME SUIT de Jean-François MATHÉ

    chemin qui me suit JF Mathé2.jpgCHEMIN QUI ME SUIT

    Jean-François MATHÉ

    EDITEUR : ROUGERIE

    ISBN :978-2-85668-169-5

    ANNÉE :Décembre 2011

    PAGES : 112

    Prix : 14 €

     

    Jean-François Mathé est l’auteur d’une œuvre poétique éditée principalement aux éditions Rougerie. Une quinzaine de livres parus entre 1971 et 2011 dont certains furent primés. Contractions supplémentaires du cœur reçu le Prix Antonin Artaud en 1988 et le Prix Kowalski  fut attribué à Le Ciel passant en 2002.

    Ce livre Chemin qui me suit  rassemble le recueil éponyme inédit et des Poèmes choisis  dans cinq précédents  livres parus entre 1987 et 2007. L’auteur a souhaité par « souci d’unité » rassembler des extraits de ces livres qui  marquent de pour lui la maturité de sa poésie.

    Assurément, par l’expression d’une voix intérieure pressante, c’est un langage propre au poète qui se dégage de la lecture de ce livre. Les mots dans l’agencement de la langue, proses ou vers, suscitent en moi  comme une urgence à la lecture des poèmes. Peut-être l’urgence du temps qui passe que l’on ressent ?  Proses, vers libres ou versifiés  Jean-François Mathé utilise diverses formes de l’écriture pour servir sa poésie. Même si comme à mon habitude les poèmes en vers me laissent toujours sur l’impression que la sonorité recherchée subtilise au  poème l'invention, le singulier, l’éclat d’une émotion…Il est  de nombreux vers ici qui me démentiront, Nous avançons sans rien défaire/ de la jeunesse que nous eûmes/mêmes désirs malgré la brume/ qui nous dérobe des lumières. P 37.

    L’amoindrissement des lumières et de ses horizons, voilà sans doute la matière de ce livre.  Tout semble écrit et rassemblés dans ces pages par une volonté de remémoration. Mémoire de ce chemin que l’on trace et qui perdure dans sa quête et ses doutes, avec ces averses de mots qui reflètent une réalité sentie au cœur de la chair. Toute une vie dans une mémoire en équilibre. Équilibre du cœur, d’où jaillissent les mots avec leurs traînes, de souvenirs, de rêves anciens, de nostalgie de tout ce qui fut fêté « vivant ! ». personne d’autre que toi ne porte la lourde étoffe du deuil p47.  Le livre conserve ces sentiments de vie dans les poèmes, que nul temps n’abolira.

    Dans le livre on perçoit le regard du poète qui se retourne vers le passé mais aussi qui surveille  l’avenir en ne cessant jamais de mesurer la distance qui sépare de l’horizon dernier. maintenant / dès que le soleil décline/ Je m’arrête pour vérifier / si c’est mon ombre qui grandit / ou moi qui rapetisse. p 53

    C’est l’ombre souvent ou la brume, celle qui cache et qui clôt l’horizon, qui emplissent les poèmes depuis les premiers temps, tels un viatique sur le chemin que trace le poète.  Très tôt semble-t-il,  le poète a ressenti l’ombre de la disparition. il n’y a pas de trace / tu fus enfant le temps d’un rire / aussitôt tu as entendu l’automne/ en faire un ricanement / de feuille sèches .p 59

    Le vent, les arbres, les oiseaux, le ciel et les jardins, l’ombre de l’homme, tous ces éléments peuplent les poèmes. Mais ils n’existent vraiment qu’à l’aune d’un temps qui passe et qui annonce le terme d’un voyage. En s’ouvrant, la porte arrachera d’un coup / l’ombre qui avait pris ses habitudes p 79

    En filigrane, c’est la disparition des êtres qui  hantent les poèmes du  livre. La mort de ces autres qui nous ont côtoyés, celle du poète lui-même, celles de ceux que l’on aime et que l’on a aimés. Je n’avais pas vu la limite / au-delà de laquelle ceux qui me devançaient/ ou me côtoyaient / ne me voyaient que de dos.

    Ce Chemin qui me suit, c’est celui qui a lien avec les verbes tracer et être. Chemin construit en cheminant  que l’on suit et qui à la fois précède, tant le poète comme les hommes en connaissent l’issue. Chemin d’écriture et chemin de vie se superposent. Les traces demeurent dans les vers, les proses, la poésie comme autant de signes de cette vie et de la  présence au monde du poète. Mais malgré les menaces qui demeurent : qui saurait arrêter ceux qui vont / d’ombre en ombre au-dedans d’eux-mêmes/.p17

    hm

  • CONTRE-ALLEES N° 31- 32 AUTOMNE -HIVER 2012

    CONTRE-ALLÉES N°31 / 32

    ISSN : 1291 - 4096

    ANNÉE :Automne- Hiver 2012

    PAGES : 140

    Prix : 10 €

     

    Le numéro 31 – 32 de la revue Contre-Allées vient de paraître en ce début d’année 2013. Passés la couverture – un collage – que l’on doit à Valérie Linder et la présentation singulière du sommaire,  la lecture de l’éditorial de Romain Fustier ravira avec humour nombre de lecteurs.  Une quinzaine de voix à lire, à découvrir dans ces pages, parmi lesquelles celles de Jacques Ancet, On ne reconnaît rien. On se perd dans les bribes. On dit voilà la vie : des bribes, des bribes. Il est  l’invité de ce numéro avec un bel ensemble de textes en versets d’où perce sa voix. On lira Olivier Bourdelier, Chante Valérie / la villanelle jolie / avant l’hiver avant / le temps des couteaux., Marie Huot,  À quoi ressemblons-nous dans la tête des autres ?  Et Philippe Longchamp, Emmanuel Merle, Mira Wladir… Ou encore Cécile M. Rapin qui publie ici pour la première fois : Notre désir/ toujours / a fait des restes / et l’amour, là-haut/ s’est mis à regarder.

    Dans le numéro,  deux questionnaires sont proposés.  L’un à des poètes, il concerne l’espace entre l’écriture et la réécriture, l’autre à des éditeurs de poésie sur les critères de sélection des textes qu’ils éditent. Et les réponses sont riches d’enseignement et suscitent le vif intérêt du lecteur. Je suggère la lecture de ces entretiens à tous ceux qui désirent écrire de la poésie – et à tous les autres aussi ! -  et qui se posent mille et une questions. Ces réponses seront alors d’une aide certaine ! La poésie n’est-elle pas justement dans cet écart, cette inaccessible, impossible déclaration ? s’interroge Luce Guilbaut. On lira aussi Cécile Guivarch, Cédric Le Penven et James Sacré. À lire, à relire, à méditer ! Les textes concernant les éditeurs présentent le même intérêt et sont révélateurs de la manière dont ils abordent les textes qu’ils reçoivent. Sandrine Fay pour Éclats d’encre termine ainsi : Être touché est sans doute mon principal moteur de sélection. Jean Le Boël pour les éditions Henry, Anne Belleveaux pour Potentille et Jean-Louis Massot pour Les carnets du Dessert de Lune ont aussi répondu au questionnaire. Après la lecture de ce numéro des questions m’assaillent, redondantes. Qu’est-ce qui fait poésie dans le texte, voilà bien la question ! Et le vers ?  Un retour à la ligne ne suffit pas toujours à faire poésie. La forme…? Celle de Christian Vogels m’interpelle. La lecture : pas aisée ! Mais à haute voix, elle restitue bien un rythme ! On termine le numéro sur les nombreuses notes de lectures livres et revues. Voici un beau numéro pour commencer l’année !

    hm

  • LES TRAVAUX DE L'INFIME - JACQUES ANCET

    Les travaux de l'infime.jpgLes travaux de l’infime

    Jacques ANCET – Alexandre Hollan pour les dessins

    Éditions Érès

    ISBN : 978-2-7492-3331-4

    Été 2012

    312 pages

     

    Avec « Les travaux de l’infime » paru dans la nouvelle collection PO&PSY in extenso, les Éditions Érès proposent des textes d’auteurs précédemment  édités dans la collection PO&PSY en les restituant dans l’ensemble plus vaste qui les a vus naître (Recueil thématique intégral ou œuvre poétique complète).

    Avec sa jaquette en papier calque recouvrant  la couverture ornée d’un dessin d’Alexandre Hollan, le livre offre une belle présentation.   Il  est composé de trois grandes parties, les travaux de l’infime, portraits sans visages et pour ne pas finir où une même écriture témoigne tout au long des poèmes d’un univers perçu comme insaisissable.

    Le poète semble-t-il, ne sait rien du monde dont il soupçonne pourtant les beautés. Il quête, recherchant quels signes qui raviveraient ce monde et le métier de vivre ? Avec Jacques Ancet, le poète redeviendrait-il un voyant ? Mais ici un voyant du réel découvrant au-delà des choses nommées un univers plus grand que le regard ne le laisse à penser. Le poète questionne le monde qui l'environne.  Dans un va-et-vient continuel, il fouille un espace lové entre la réalité visible et celles qu’il pressent. Tout se mêle alors.  Concret et pensée. Présent et passé. Réalité et désir. Le poète œuvre avec ses travaux de l’infime dans tous les interstices possibles.  Il met à jour ces trésors de l’intime, ces petites choses infimes qu’il ressent, pensées et visions imperceptibles au premier abord  mais qui se révèlent pépites par delà son regard. Il recherche jusque dans « …l’échancrure des paupières… » les beautés de ce monde. Et la beauté surgit,  parfois même comme une blessure, dans une brièveté qui laisse soudain orphelin d’une extase. « …il voudrait s’y glisser, entrer dans l’éblouissement. Mais comment avec son corps ? ».

    Dans le premier ensemble éponyme au titre du livre, des étapes de la survenue du poème semblent décrites à mesure que l’on progresse dans sa lecture. D’abord,  avec la première partie qui pourrait renvoyer à  l’état d’attente que le poète éprouve avant l’écriture du poème. Une atmosphère de vacuité et d’attente s’en échappe durant laquelle les mots s’apprêtent à surgir au poème. L’alchimie du poème semble en œuvre. Alors la venue des mots se précise. Leur évidence apparaît dans l’incertitude et les tâtonnements : le surgissement lent du poème est en cours. « Brusquement le brouhaha / des voix se tait. Le silence/ est un éclair immobile./… ».  Et le poème s’impose sans dire ce qu’il est vraiment, un mystère parfois incontournable pour le poète. « Personne ne sait. Ni l’ombre entrée sans qu’on ne l’ait vue, ni la voix qui s’obstine à épeler le jour… ». Puis, il surgit dans ses éclats de lumières  « Dans l’éblouissement, toujours. Malgré l’obscur qui s’accumule. Les étincelles sur les cils et les objets, des formes de feu qui se confondent… ».

    Dans « Portrait sans visages » qui regroupe sept ensembles comportant tous dans leur titre le mot portrait, le poète semble rechercher des ombres. Qui sont-elles ces ombres que le poète croise, qu’il croit apercevoir puis qui s’effacent soudain au moment où il est près à les reconnaître ? Peut-être des disparus qu’une  mémoire obstinée n’oublie jamais et qui hantent dans des flous d'imprécis les visions et la pensée du poète. Portrait pour un silence  semble avoir été écrit autour de la figure absente de Henri Meschonnic  dont un vers, extrait de Puisque je suis ce buisson, est placé en exergue.

    La lecture des poèmes fait apparaître des paysages intérieurs, des territoires imprécis où chaque signe tangible disparaît en des lieux nés de l’imaginaire et du désir du poète. Les tableaux d’Alexandre Hollan accompagnent avec justesse ces clairs-obscurs, de leurs emmêlés de traits, de brumes grises ou de lignes esquissant des cartographies de territoires intimes. Ce que cherche le poète est peut-être lové là, dans le flou de ces brumes d’où tout peut jaillir soudain,  la beauté même que le poète espère.

    Du noir, du blanc ou de la lumière… De la présence puis de l’absence ou des ombres… Il y a le son des voix qui brusquement fait place au silence… On croit saisir ce qui s’échappe mais soudain tout devient  insaisissable. « On voit ce qu’on ne voit pas mais qui est là dans cette présence qu’on sent si proche ». Chaque chose se dérobe, s’efface, s’amenuise. Tout dans ces poèmes – en quête – est sur un fil. Le fil d’un réel qui s’infiltre par l’imaginaire du poète pour tenter de montrer ce que l’on ne voit pas mais qui cependant existe au-delà de la perception de nos sens. Ce sont ces interstices, ces limites impalpables que les poèmes en proses traversent, questionnent et découvrent jusqu’à la beauté possible. Ici la poésie fouille l’espace infime de territoires occultés en repoussant leurs limites à l’extrême. La voix creuse ces territoires,  en repousse les bords, tente de les élargir. Car elle sait que ce qui n’a pas été nommé n’existe pas. Jacques Ancet devient tour à tour aventurier de l’imaginaire, archéologue, explorateur de nouveaux territoires. Il œuvre à agrandir le réel en débusquant l’infime qu’il tente de nommer pour que - peut-être ? - nous puissions mieux y vivre.

    HM

  • Soutenez la revue N4728 en vous abonnant ou en renouvelant votre abonnement pour 2013

    N4728 est une revue semestrielle qui œuvre pour la poésie dans la diversité de sa langue. Attentive aux écritures multiples elle rassemble dans les pages de chaque numéro des voix importantes de la poésie contemporaine et les voix nouvelles de jeunes poètes. Elle défend en cela une diversité et maintient un espace ouvert pour la création poétique. On peut la soutenir en s'abonnant avant le 15 décembre. (25 €/2 numéros par an) 

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    Le courrier d'appel d'abonnement de la revue est reproduit ci-dessous:

    Abonnement 2013 à N4728,

          Chers abonnés ou futurs abonnés, chers lecteurs,

             A la même époque l'an dernier nous vous annoncions que, dix ans après sa première parution, l'équipe qui produisait la revue N4728 changeait. L'association Chant des Mots, éditrice, a chargé Christian Vogels, membre du Comité de Lecture, de mener à bien cette transformation.

             Et soyons clairs, l'association mesurait la difficulté de maintenir son effort de publication. Les revues de poésie où de jeunes auteurs voient leur nom et leurs travaux publiés auprès d'auteurs confirmés se raréfient.  Pourtant, après un moment d'expectative compréhensible, la reprise des abonnements et des envois de textes a confirmé que nous n'avions pas eu tort de poursuivre. Nous sommes convaincus que le contact avec l'objet « livre » mérite plus que jamais quelque attention.

             Vous avez pu remarquer quelques modifications de présentation et de mise en page. Ces transformations modérées seront poursuivies. Déjà, elles ont permis d'une part de diminuer les coûts de production ; d'autre part, et c'en est le corollaire, de maintenir le prix de l'abonnement au tarif de ... 2008. Cinq ans de lutte pour maintenir l'accès à la poésie contemporaine sans peser sur les budgets d'un public que nous souhaitons large. Et cela tient. Nous espérons que cette gestion prudente de la revue vous permettra de renouveler l'effort financier qu'est l'abonnement à une revue. Paraître sur la place publique avec l'Internet, nous y réfléchissons mais pour l'heure nous ne sommes pas prêts.

             A l'instar, chers abonnés, des revues qui se sont fait l'écho de notre évolution et nous ont encouragés à poursuivre, vous, par votre engagement financier, nous avez soutenus. Tous, nous vous en remercions. La revue que vous aimez, la Commission Poésie en reconnaît la qualité. Grâce à votre présence, le CNL, malgré nos changements, continue à nous faire confiance.

             Toutefois,  si N4728 veut encore apparaître dans le champ littéraire comme revue utile, voire nécessaire, il lui faut parfaire sa transition durant cette année 2013. Aussi, n'hésitez pas à en parler autour de vous et à la faire connaître, voire à l'offrir. En vous abonnant ou réabonnant, vous confortez une ligne éditoriale fondée sur la  qualité de l'écriture – fût-elle surprenante et dérangeante – et le respect des lecteurs, c'est-à-dire : vous.

             Abonnez-vous, faîtes connaître N4728 autour de vous : vous rendrez ainsi visible la voix des poètes.

             Avec tout notre amitié,                                                                       

        N4728, Revue de poésie

    PS    Important : Aux auteurs

          Pour les auteurs qui désireraient nous envoyer des textes, avant tout envoi de textes, demandez quelles sont nos nouvelles conditions de publication : elles sont impératives. Soit à Madame Dandeville (adresse sur le bulletin d'abonnement ci-joint) soit par courriel à l'adresse de la revue :     N4728@zythumz.fr