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Incertain Regard - Page 10

  • L'appel pour Antonio Tabucchi

    A l'initiative des Editions Gallimard, un appel international de solidarité avec l'écrivain italien Antonio Tabucchi, cible du pouvoir berlusconien, vient d'être rendu public. Défense de ceux qui "osent, provoquent et dérangent" et de "la liberté de plume des écrivains indissociable de l'idée même de démocratie", son propos rejoint évidemment la cause de Marie NDiaye, d'ailleurs signataire de l'appel, face aux attaques du pouvoir sarkozyste....

    Signez l'appel pour Antonio Tabucchi

  • L'intérieur du monde

    Jean-Pierre Lemaire

    Editions Cheyne

    112 pages

    2 ième trimestre 2007

     

    interieur du monde.jpgC'est au deuxième trimestre de 2007 que paraît aux éditions Cheyne L'intérieur du monde. Ce livre de Jean-Pierre Lemaire est composé de cinq ensembles d'une quinzaine de poèmes. Simple mortel qui débute le livre est dédié au père du poète, à sa disparition. Les poèmes ici rappellent sa figure avec une sobriété qui met à distance et qui éloigne tout lyrisme excessif. Le vers est écrit au plus près du réel dans un esprit d'évocation. La mémoire est à l'œuvre qui rappelle la présence du père.

     

    Je recueille ton silence / comme les bulles du brochet qui passe / entre les racines des saules,/

     

    Toutes les autres parties du livre poursuivent cette ligne d'horizon tracée par la mort du père évoquée dans ce premier ensemble. Présence aussitôt éclairée par ces traits de détails qui tracent et qui singularisent, à jamais, l'ombre désormais du père. Et puis, alternent entre ces évocations de la mémoire silencieuse, des poèmes du temps des funérailles qui esquissent alors dans une perspective temporelle la figure de l'absence.

     

    Je te cherche encore des yeux sur la place / parmi les chaises de café, les platanes / ...

     

    Par la grâce de ces poèmes, le poète apprivoise cette absence. Elle se façonne pour le long chemin de la pérennité.

     

    Parmi les racines, ton masque de sang / est devenu un masque de cristal / où je te revois faible, endormi, suivant de loin / le lent travail, dans la lumière sépulcrale, de ton visage qui se recompose.

     

    Et marque le passage de la vie des uns à la mémoire de ceux qui restent. La conscience prend acte de la disparition.

     

    nous nous séparons comme deux rameaux / sous le soleil commun des vivants et des morts.

     

     

    L'ensemble qui succède, Noé, poursuit ce périple intérieur et intime qui accompagne tout deuil. Perdre son père est tel un cataclysme. Et cette arche suggérée pour y faire face, c'est peut-être la mémoire dans son repli intérieur. C'est ce monologue intime qui s'écrit en chacun de nous, d'abord dans le silence de la bouche. Cette fin d'un monde impensable, ébranle l'être dans ses fondements premiers et déclenche une volée de questions. Celle de Dieu en premier lieu, puis celle du sens. Le poète pour cela contemple la nature, l'interroge pour tenter d'y retrouver une sérénité perdue. Puis il retourne enfin sur le lieu où s'érigea sa personne, peut-être dans cette perception d'infinitude qu'éprouvent les enfants.

     

    Ainsi, les ensembles se succèdent dans un état d'esprit qui accompagne le deuil. De la douleur vive et piquante à celle plus diffuse mais persistante qui s'inscrit en nous même chaque jour de notre vie. Seule peut-être la mémoire, réinventant au cœur de notre intime l'être perdu - en ce monde intérieur -, peut le sauver de la disparition. C'est aussi le projet de ce livre.

     

    Les deux derniers ensembles du livre tracent le trajet d'un long retour vers la vie. Une vie d'après. Celle où il faut bien faire avec l'absence à ses côtés, comme un faix ineffable et indéfectible qu'il nous faudra supporter et craindre pour l'avenir.

     

    Tu revois le printemps après trois hivers / mais tu gardes un œil ouvert sous la terre / et derrière le mur de l'hôpital rose / où les hommes disparaissent.

     

    Ce livre trace un parcours douloureux. Les poèmes, comme autant de stèles, marquent des bornes où achoppent la mémoire et la peine. Ils tracent, ensemble une cartographie de chemins qui se croisent, se confondent et se perdent sous le ciel vrai du sentiment de l'affection.

     

    HM

  • Haro sur la bête

    Louis Savary

    Gravures et dessins de Baudhuin Simon

    Editions de l'Ane qui Butine, Mouscron Belgique

     

     

     

     

    Le poète Savary n’est pas forcément un sage. Et c'est tant mieux. Il rappelle qu'en nous les loups hurlent et que le porc n'est pas toujours épique. La maïeutique du poète représente un va et vient entre l'homme et ses bêtes intérieures. En soi(e) le ver est donc profond. Et les perroquets qui disent « merde » en nous ne sont pas les seuls à  trouver ça drôle.

    Savary prouve que l’hygiène la plus intime est celle de l’esprit. Il rappelle que l'odeur de l'homme peut-être un parfum de brebis ou de cochon qui sans dés dit. Et si le lièvre de la fable sait que La Fontaine est un menteur, les cochons de Savary savent que ce dernier dit la vérité. Le Wallon sait en effet que l’homme chercheur de truffes s’accommode d’une laie. Et les deux pensent qu'ils ont bien du mérite.

    Partant de sa propre expérience, car une poésie bien ordonnée commence par soi-même, Savary ne nous caresse pas dans le sens du poil. La vache en lui comme en nous ne rêve pas forcément de l’Inde. Et il comprend qu'il n'y a pas que les souris alcooliques pour aimer le Chablis. Il sait aussi que si l'homme a la langue pendante c'est parce qu'en lui il y a un chien voûté et que l’éléphant qui nous habite vit dans la hantise d’être trompé.

    Face aux philosophes à qui il faut toujours un mitigeur de morale Savary  fait passer du fleuve du songe aux affluents du réel. C'est pourquoi il laisse parler la bête en nous. Celle dont l’excitation du gland plus que son calibre fait de l’amoureux transi un éjaculateur précoce. Son rat d'eau méduse et on découvre  en lui le manteau de vision.  

    Grâce au poète on comprend que même un dompteur de panthères peut mourir d’amour. Une charmeuse de serpent aussi. Mais ce n'est pas parce qu'elle dort en chien de fusil qu'elle doit nécessairement épouser un chasseur. On peut estimer enfin que lorsque le canard rit jaune  trop de raies alitées font des succès damnés. Savary nous laisse ainsi avec les bêtes en soi. A nous de faire avec. Et en avant ! doute !

                 

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  • Perméables

    Ilarie Voronca

     

     

     

    Éditions Le Trident Neuf, Toulouse

     

    13 €

     

     

     

     

     

    Voronca a enfermé sa vie dans ses livres comme un commentaire, comme les traces d’un autre. Ses hallucinations étaient la terre de sa création. Mais celui qui voulait bâtir un autre ciel de chair s‘est enfermé dans lui-même. Comme beaucoup d’écrivains roumains de son époque il s’était lancé dans l'aventure du modernisme. Rappelons qu’en 1924, alors que paraît en France le "Manifeste du surréalisme", Tzara fonde avec Ilarie Voronca la revue "75 HP" qui réunit dans ses pages "l'avant-garde de Roumanie" et perpétue l'esprit dadaïste. Avec Victor Brauner, Benjamin Fondane, Jacques Hérold, Claude Sernet, Tzara, Paul Celan, Brancusi, Eugène Ionesco, Eliade, Emil Cioran, Gherasim Luca, Panait Istrati, Anna de Noailles (née Brancovan) il est donc un des messagers des mots et des images.

     

     

    À travers l’expérience existentielle et poétique l'immense poète roumain qui écrivait en français, n’a cesse de parler d’un creusement de l’humain. Son œuvre est une expérience spirituelle et physique où le corps et l’esprit, liés, se confrontent à un infini et font face à leur propre finitude au sein d’une proclamation d’espoir dont « Perméables » témoigne mais dont sa vie témoigne moins. En un soir d’avril 1946 il rentre chez lui, s’enferme dans sa cuisine, en calfeutre porte et fenêtre. Il avale tout un tube de somnifères, arrache le tuyau de gaz. Sans laisser un mot derrière celui ce "frère des bêtes et des choses, des livres et des villes, de l'espoir et du malheur" se donne à 43 ans la mort. Être dans son corps réel ne lui suffisait plus. Il lui fallait non seulement briser la solitude, célébrer par son acte « la fin du règne de la soif » mais signer le fait de n'avoir en fait "qu'entrer dans la vie d'un autre" et non dans la sienne. Il laisse ainsi derrière lui une suite de chants inachevés preuve comme il l’écrivait à la fin de « Perméables » que « nous ressemblons à un gant retourné ou à une terre perméable qui, dans un circuit sans fin, est en même temps la terre traversée et la terre qui traverse ».

     

    Son écriture reste un milieu physique presque inhabitable. Le poète y éprouve concrètement l’expérience de la finitude, de la fragilité, du constat de la dissolution du corps. Il révèle en même temps que cette dissolution du corps est une opération de creusement et d’incandescence par quoi, dans l’épreuve de la solitude, nous nous débarrassons progressivement de ce qui nous encombre et fait se lever un appel dévorant. Le chaos se retourne sur lui-même, la lumière se concentre. Elle efface les ombres du moins un temps par la voix du poète. Du chaos aux échos, il y a dans le retournement langagier. Il devient le signalement du retournement opéré, à travers le langage, dans la conscience de celui qui parle.

     

    Voronca fait émerger un espace de l’indifférencié, de la privation portée à son comble et qui, par là même, fait surgir le noyau de l’infracassable. L’écriture du poète est toujours dense. Son économie verbale témoigne du creusement de l’Être qui culmine, éblouit, conjure et à la fois purifie et absorbe la vision du monde. Voronca n‘hésite pas quand il le faut à ajouter du privatif au privatif en un processus paradoxal dont témoignent les mystiques pour mettre à jour l’état de manque. Dans « Perméables » cependant la ligne ne se brise pas mais il est possible que l’ensemble tend à s’annuler prodigieusement en une géométrie de l’air et de l’espace.

     

    Le lecteur avance jusqu’à ce qu’il rencontre la nuit mais pour percevoir la lumière qui l’annule d’un seul regard, d’une visée. De ce corps à corps avec soi-même et par l’expérience concrète du poème l’auteur mesure chaque arpent de notre non-lieu par le sien jusqu’à s’abolir lui-même. Le texte devient lieu d’acquiescement et lieu habitable. Habitable dans la fragilité, la métamorphose et l’éphémère sont assumés avec une maturité absolue d’expression. Comme dans une œuvre abstraite, mais aussi profondément phénoménologique, le discours poétique s’articule de manière oxymorique. Les couleurs blanc et noir, la parole et le silence, la nuit et le jour, la vision et la cécité, les voyelles et les consonnes, la ligne d’horizon et le cercle, l’œil et la bouche, le stable et l’instable, la présence et la perte se déclinent en images et figures complémentaires d’une recherche du sens.

     

    L'écriture de Voronca traduit la position ontologique post-moderne. Il faudra bien sortir du « je », du jeu des apparences à travers une scrutation quasi hallucinatoire de ses composantes, pour déboucher sur la seule position qui vaille : celle de l’errant, d’un marcheur, poreux et perméable à un univers de signes en constante mutation. Mais la parole du poète roumain reste aussi une approche kaléidoscopique d’un réel aux multiples potentialités. Elle entre dans l’abîme de la porte, dans les profils pleins, les profils creux, les profils tombés dans l’espace éclaté de toutes les portes. Face à une réalité (le jour, le paysage, la chambre, les murs, la claustration) qui s’avère inquiétante, étouffante, le poète aura écouté la nuit monter comme il aura entendu sourdre le rêve comme les gouttes de solitude dans la chair des vivants.

     

     

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  • Preuves de la vie même

    Pierre Schroven

     

    L’arbre à paroles, Amay

    72 pages

    12 €

     

    Pierre Schroven : l’enfant d’eau

     

     

    Pierre Schroven jette toujours un regard nouveau non sur, mais par la poésie. Grâce à une technique de plus en plus maîtrisée il présente d’une manière aussi simple que complexe ses preuves de vie. À ce titre sa poésie est philosophique mais dans le bon sens du terme. À savoir qu’elle est au service de la pensée et non l’inverse. À titre d’exemple un passage peut suffire à comprendre cette propension essentielle :

     

    « Sur une immensité d’eau

    Parsemées d’îles rocheuses

    Les poissons bondissent

    Change d’apparence chaque fois que je respire

    Et quand surgit la lune

    Visage balayé par des rafales de vent

    Je jette mes filets dans les flots d’une question qui résonne sans réponse

    Comme la voix d’un fantôme contemplant dans la mer l’évaporation lente de son ombre »

     

    On voit comment l’écriture poétique infiltre la pensée. Elle le propose - comme elle le crée pour la terre - de « la faire pencher du côté dont on ne peut rien savoir ». C’est pourquoi tout l’univers de Pierre Schroven est maritime. Le poète devient l’enfant d’eau. Pas n’importe laquelle : celle des plages où le monde entre en déséquilibre mais aussi en une forme de transparence implicite. Cette zone de frontière témoigne autant du fond, du dépôt que de l’irruption. Elle est le lieu, comme la poésie, où peut affleurer ce qui était jusque-là caché entre abysses et origine.

     

     

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  • Aspects riants

    Paul Badin

     

    Éditions de l’Atlantique, Saintes

     

     

    Chez Paul Badin et contrairement (peut-être) aux apparences ce n'est pas le paysage qui est langage mais bien l'inverse. Dans la fluidité et la simplicité de ses images la poétique découpe tout un univers bien plus complexe qu'il n'y paraît. Par-delà le paysage d'autres arrières fonds se dégagent non seulement par "la mise en lumière de clairs obscurs" mais par ce qui reste chez l'homme "de fringales d’enfance". À savoir - par-delà tout ce qu'il a raté - ce qui demeure en lui de mystère et peut-être d'accomplissements à naître sur le versant du soir de sa vie. L'auteur a d'ailleurs toujours été fasciné par cette quête à travers la durée et l'espace. Il faut relire des livres comme "Les plis du temps" pour repenser la première ou " Gouttes d’Afrique" afin d'en estimer le second.

    Paul Badin crée des possibles auxquels nous donnons, nous, le nom d’histoires. Chacun de ses poèmes devient une fable. À savoir quelque chose qui tente de tenir debout, de tenir le coup alors que notre histoire ne sera jamais rien d'autre qu'un écart. Toutefois le poète par ses agencements d'images et d'interstices rappelle le désordre qui nous habite au sein même du quotidien. Il crée ses indices « d’évidences » et ses cassures en réaction profonde aux dynamiques du réel. D’où cette insatisfaction par la beauté qui surgit de ce livre. De son trouble aussi. Contre le « chaomorphisme » surgit l'attente d’un monde en dépit des dépressions que fait subir parfois l'existence.

    Ce qui est écrit et montré n'est donc plus ce qu’on voit souvent à travers les images : la trahison par le mensonge de l'exhibition de seuls temps forts. À l’inverse Paul Badin évoque une sorte de manque. Son texte en devient la métaphore mais aussi sa fulguration Cette affirmation formelle exige un degré supérieur d'abstraction esthétique. Le travail de Badin n'est cependant jamais formaliste. Il implique un degré important de recueillement et de réflexion. S'abstenant de toute pensée discursive, le créateur pense par images dont la solennité de l'éphémère n'est pas absente.

     

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  • Anthologie du projet MW

    Robert Wyatt

    Anthologie du projet MW
    (Poèmes traduits par J-M Marchetti et CD de Pascal Comelade,)

    Aencrages And Co, Baume les Dames,

    240 page

    20 €

     

    FORCE ET FRAGILITÉ DE ROBERT WYATT

     

    Wyatt est un artiste transversal et un dessinateur d’espaces sonores. Sa volonté demeure de faire vibrer le et les sens. On peut le définir comme un voyageur utopique. Il se voulut d’abord peintre et écrivain. Il entra d’ailleurs dans la musique sous le patronage de Dada et de la Pataphysique. En pénétrant dans l’art qui allait lui permettre ses explorations les plus probantes le barde, après l’aventure de « Soft Machine », dégringola de plusieurs niveaux avant de composer un des albums les plus importants de l’histoire de la musique populaire (en la faisant rejoindre une musique plus savante) « Rock Bottom ».

     

    Aencrages and Co fait ici coup double. D’abord en compilant 80 textes de Wyatt et de sa compagne Alfreda Benge en collaboration avec le plasticien et pianiste Jean-Michel Marchetti. Ensuite en joignant à ces textes un C.D. de reprises minimalistes de Pascal Comelade. Ce dernier offre une lecture sonore nouvelle de Wyatt. Les textes du compositeur et auteur sont magnifiques et ouvrent à bien des dérives « dans la ville aux portes closes, des hommes vivants miment des saints gisants, sur des surfaces gondolées ». Se retrouve dans les mots la voix feulée (à la Chet Baker) de l’artiste. On sait combien elle porte en leurs quasi-murmures les textes d’une sensibilité rare. Ils peuvent traiter d’un tableau de Magritte, de la dénonciation de la guerre des Malouines ou encore du bombardement de Tripoli. Jamais le désamour du monde précipite Wyatt dans les plis de la rêverie « vide ». Alors que Wyatt a parfois de quoi s’assombrir, l’île noire de ses imaginations reprend le dessus et la machine de travail se réenclenche dans une approche subversive pour dépasser la fin des mondes.

     

    Wyatt est par excellence un artiste contemporain. Il porte le poids de l’Histoire mais lui donne une dimension humaine jusque dans les lignes mélodiques qu’a reprises et comprit Comelade. Force, douceur, fragilité sont liées dans les textes comme dans les musiques. Wyatt demeure exceptionnel dans les rendez-vous qu’il propose en faisant irruption dans nos vies par ses formes, ses structures musicales et les comptines à facettes de ses textes. Baroque et classique, il nourrit notre écoute d’une grande part d’inconnu. Reste à prendre une attitude suffisamment ouverte pour entrer dans l’œuvre non comme on visite un monument mais comme on explore un environnement neuf fait d’ondulations et de variations.

     

     

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  • Vanités, Carré Misère

                                  vanites.jpgYves Boudier

    Editions de L’ACT MEM

    N° ISBN : 978-2-35513-031-1

     

    Date de parution : deuxième trimestre 2009

     

    Nbre Pages : 144

                                                               

    Passé la lecture du texte de Michel Deguy Propos d’Avant, puis les trois citations de Sophocle, Beckett et de Patrick Declerck en introduction du livre, la pagination nous conduit vers un face à face avec deux carrés picturaux.

     

    L’un est la reproduction d’une Vanité du peintre David Bailly daté de 1650 Le portrait d’un serviteur, l’autre est une photographie d’un sans-abri – comme on les nomme pudiquement – prise à Paris en 2005. L’absence du nom de l’auteur de la photographie nous renvoie à un double anonymat, et à cet homme d’abord, ce sans-abri qui  nous regarde droit dans les yeux.

     

    Les trois citations et ces deux représentations nous placent dès les premières pages au centre du livre. Avec lui Yves Boudier pose l’hypothèse que ces hommes et femmes dans le décorum de nos villes,  que nous voyons et laissons dépérir dans les rues, seraient les Vanités d’aujourd’hui. L’homme  –  le sans-abri  - sur la photographie a remplacé l’homme – le  serviteur - de la Vanité.

     

    Les Vanités sont des natures mortes, représentant des possessions terrestres, censées illustrer par delà la mort une réussite sociale. Éphémères possessions au milieu desquelles la représentation d’un crane rappelle la temporalité de la vie.

     

    Le livre est composé de huit ensembles tous ponctués en introduction de vers de L’épitaphe de François Villon

    Frères humains qui après nous vivez, N'ayez les cœurs contre nous endurcis,...

     

    Les poèmes présentent une écriture à la forme scindée en deux parties. Une forme singulière  mais non ad hoc à ce livre et que j’avais rencontrée dans un livre précédent d’Yves Boudier intitulé, . Caractérisée par cette forme générale évoquant  la scission, l’écriture se nourrit, me semble-t-il, à des scènes issues, de la vie quotidienne, de tableaux ou de photographies.

     

    Yves Boudier suggère qu’à bien des égards, les hommes et les femmes  sans domicile, qui errent dans les paysages de nos villes s’apparenteraient à des Vanités modernes. Comme cet homme sur la photographie, trainant dans un chariot de supermarché les vestiges des choses qui emplissent nos vies d’occidentaux. Le dénuement de ces personnes errantes regroupées  dans les villes, assises, couchées comme exposées est le revers de fortunes devenant indécentes.  Accumulations de richesses parfois iniques et aux excès morbides dont les sans-abris seraient le triste corolaire. Voici peut-être le lien qui existe, comme inversé, avec les vanités.

     

    Potentiellement inscrite dans ces scènes de rue, dans la détresse et le fatalisme des relégués de nos sociétés l’ombre de la mort plane. Car c’est bien la mort qui est au centre du livre. Des poèmes en témoignent très vertement dans des scènes expurgeant du corps ses organes. Sont-ce des scènes d’autopsies ?   

     

    Sur la table/     le cœur/ le  foie/ un œil/    

     

    ou plus loin    

     

    Ses organes        sous ses yeux / les voient défiler /

     

    En lisant certains de ces poèmes, je ne peux m’empêcher de songer à cette récente exposition - d’art nous dit-on ! Our  body  - qui fut finalement interdite, en France. Elle montrait des corps humains écorchés, conservés  par un procédé dit de plastination,  qui laisse les tissus internes et les organes absolument et monstrueusement  visibles. Cette exposition est symptomatique du cynisme de nos temps où le corps, mort et exposé, au nom d’un pseudo art est employé comme une matière première. Il y a dans cette hypocrisie là, consciente ou non, une transgression des valeurs humaines. La barbarie se répète sans jamais se dupliquer de la manière.

     

    Quand l’intérieur du corps n’est pas inventorié, des détails le montrent soufrant.  On pense alors à des tableaux Francis Bacon  ou  à des scènes de tortures. 

     

    Épines/ sous l’œil / grandes venaison/ de cadavres/ La corde croche/dans l’articulation/ s’étirent les chairs/ jusqu’à la déchirure/ Os tombent au sol / secs - viandes

     

    ou encore

     

    Celle qu’on aimait/ tant qu’on voulait / (la tuer)/:jusqu’à lui plier / les phalanges / déjointer  / le cartilage / de sa / voix/ (sa grâce)

     

    Le corps expie. Mais pour quel crime ?

     

    D’autres poèmes du livre nous montrent des scènes de rue,

     

    Couchés/ sur les grilles / d’où souffle/ une vie épaisse / flaques d’huile/ de pisse/ poussettes orphelines/ écrasées / de sacs /…

     

    et nous recroisons soudain dans notre mémoire ces Carrés Misère éparpillés dans la ville cosmopolite. Abris de  fortunes le long des voies expresses et des chemins ferrés, couches innommables, matelas de cartons, baldaquins noirs de sacs poubelles sauvés des bacs aux matins froids, apostrophes des passants que nous sommes. Témoins silencieux, têtes basses. Ces scènes Yves Boudier les traque dans la cartographie des villes. Elles le happent, l’interpellent. Lui l’homme, le passant et le poète ensemble. Ce livre est le fruit d’une solidarité vraie où Yves Boudier nous interpelle à son tour. Il intercède et unit sa parole, par les courtes citations et fragments qu’il cite, à celles de poètes et d’écrivains que sont Shakespeare, La  Boétie, Spiniza, Appollinaire, Paul Celan… Cela suffira-t-il pour que notre société mondialisée sorte de sa léthargie amnésique ?

     

    Ce livre entre en confrontation directe avec les symptômes de notre temps malade. C’est bien là le travail du poète que de baliser les précipices. Une menace, le sombre, la mort rôdent ici explicitement. Vanités, carré misère,  est le livre d’un poète qui interroge son époque. Et en se questionnant sur notre société, Yves Boudier nous interroge à notre tour.

     

    Naissons      un par un

    mourrons     un par un

     

                                       tomberons d’un corps

                                       à son tour

     

    (de) lui-même              tombé

                                       nu        comme un mortel

     

                                       délié de son labeur

     

     

     

    Chacun paiera sa dette

    : horizontal

     

     

     

    HM

     

  • ça

    CA F VENAILLE.gif 

    Franck Venaille

     

     

    Mercure de France,

     

    152 pages

    15 €

    Voici sans doute le livre le plus grave et le plus poignant de Franck Venaille. Bien malin celui qui y trouvera     encore une once d’espérance. Mais à l’inverse la nostalgie n’est pas plus le fait d’un poète rare et dont un récit, « Caballero Hôtel », fut une révélation.

     

    Sans doute l’auteur ne possède pas la place qu’il mérite. Et « ça » ne lui donnera pas d’ouverture. L’ensemble de ses poèmes est trop aride, trop rêche. Mais ils surgissent pourtant comme des révélations. Ils possèdent (même si Venaille a dépassé la soixantaine) quelque chose d’immensément rimbaldien.

     

    On ne dira pas que lire de tels textes est un plaisir. Mais on lit aussi afin de ressentir par un autre ce qu’on ressent en soi-même. Et voilà que ça coule à nouveau « Comme les enfants saignent du nez / Sans savoir pourquoi ».

     

    Nul ne sait où sont passés nos pères et mères. Rien ne sert de monter en chaire et en chair pour le demander. Les prie-Dieu grincent. On se met à tousser. Nous restons les vieux enfants terrorisés par le sang des femmes et leurs linges louches qui séchaient aux fenêtres. Il ne faisait pas bon être sensible en ce temps-là.

     

    C’est pourquoi Venaille n’écrit pas en pensant à autre chose. Sauf exceptions. À savoir les beaux garçons qu’il a croisés. Plus de soixante ans que ça dure (mais en retirer quinze d’inconscience). « Gaumont. Pathé ». Les actualités. D’hier les actualités. Le poète est sans goût pour l’école. Il rêve encore d’être le solitaire mystique en chambre de bonne 6ème sans ascenseur. La concierge est dans l’escalier.

     

    Enfance pieuse. Pluie fine. Crachats de Dieu. Messes à n’en plus finir. Eau bénite. Quitter cet endroit où parler fort est prohibé et où les corps sont rarement musclés (sauf sur des fresques italiennes). Vivre à l’heure le leurre. Et même après. Le corps le sait. Il le fait. Avec ses humeurs ombrageuses. Telle est la destinée du poète. « Sa vie sur terre ce fut ça ». Point final.

     

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  • Matelamatique des genres

    Louis-Michel de Vaulchier

     

    Editions Passage d'encres  

     

     

     

     

    Rebut des vêtements abandonnés sur le plancher. Tout arrive. En glissade d’un texte l’autre, d’une graphie l’autre et sexes idem. Presque pas besoin de faire un dessin (même si le poète en abandonne quelques uns). Reste un corps hautement dégagé. Mais un corps qui demeure étranger. Il y a jambes autant qu’il le faut nues contre les siennes. Les corps en doigts tordus s’ajustent, se serrent. L’autre à l’autre en appui tout au long. Une seule silhouette à deux. Remplissage parfait. Danse de compagnie au ralenti consenti. Souffle d’air. Frôlement. Nouveau plongeon. D’un texte à l’autre à plat ventre dans cette matelamatique qui va "du presque lyrique au presque scientifique". Drap repoussé à force. Le tissu se tend. Retenir le geste. Le prolonger. De façon que la partie ne s’arrête plus. Corps flous, fous. Leurs ombres servent de preuve. De Vaulchier cherche la formule secrète. Chaque texte enlève, enfile. Suave retentissement, temps découpé à mi-cuisses. Accélérer, ajouter, ralentir, quitter, revenir. Sans penser. Sans voir le temps passer. Consentir. Obligation de poursuivre guidé par des hauteurs et des intensités. Ambiance plus sauvage virant au glam-rock. Arche d’un pont entre épaules et reins où circulent les idées de plus en plus chargées d’odeur. Il faut que sexe et texte se confondent en « lit & rature ». Crêtes levées des lèvres ourlées jusqu’en une heure tardive, brûlantes de fièvre.

     

     

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  • Corps de Rimbaud, Carnet de Djami

    Jean-Pierre Védrines

     

    Editions Le Bruit des Autres à Limoges

                                                              

    70 pages   -    10 Euros.                                                            

     

    Chant de Fouille.

     

    Comment un poète pense-t-il un poète ? Comment procède-t-il avec celui-ci lorsqu'il s'agit d'un des écrivains majeurs à savoir Rimbaud ? Védrines l’aborde par la fin. Lorsque Rimbaud n'est plus le poète mais le mourant. Toutefois l'auteur du "Corps de Rimbaud" sait que sa propre écriture doit rester un état naissant qui n’a rien d’une nostalgie.

    En ce sens le livre développe une écriture dialectique. Elle offre deux temporalités : celle de la traversée finale, de la saison vers l'enfer, celle de la poésie de "la saison en enfer" où tout continue à se passer.

    "Corps de Rimbaud" n’est donc pas simplement une retranscription tragique d'une agonie. Le livre nous familiarise à nouveau avec Rimbaud dans le présent à travers sa dernière errance, son ultime marche claudicante et "forcée".

    Il s’agit d’une fouille, d’un creusement du substrat biographique. Le texte est une mémoire et un état naissant pour voir à travers Djami une dernière fois le poète tel qu'il fut laissé. Il s'agit de descendre dans les mines de son cerveau à travers le puits horizontal de la mort qui vient.

    L'écriture de Védrines s'emploie à déployer des images de fouille à coup de vignettes fulgurantes. Elle les pousse à leur limite jusqu’à voir la pensée de Rimbaud, une pensée qui nous échappera toujours, celle sur laquelle on ne peut mettre de mots.

    Ce texte est un moyen de trouver un autre contact par la poésie vers la poésie à l’aide d’une technique archéologique. Il s'agit pour être en mesure de comprendre le poète de se remettre dans ses ultimes pas et de faire émerger l’empreinte du temps. Celui-ci nous précède comme il a précédé Rimbaud et ses ancêtres et comme il se poursuivra après nous.

     

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  • D'ENTRE LES ÎLES ET LES ROCHERS

     

    Laurent Bourdelas

     

    Locmalo

    Éditions Gros textes

    Fontfourane

    60 p,

    6 euros.

     

     

     

    Laurent Bourdelas nous a habitué à bien. Avec « Locmalo » il aboutit à mieux au sein même un exercice périlleux. Celui de la chose vue qui nécessairement oscille entre le descriptif et le nostalgique. Il arrive même que l’auteur quittant Broceliande note de manière laconique « je suis reparti mélancolique ». Pourtant pour évoquer la Bretagne ses sables du temps et ses archives de granit l’auteur - affronté à tous les lieux de cette chair tellurique mais aussi d’air, de marées et de vent - trouve le langage conséquent afin de transformer les lieux en ce que Bachelard nommait "la maison de l'être".

     

    On ne peut que partager les visions (plus que contemplations), les invocations (plus qu’évocations) que le poète développe juste ce qu’il faut. Ses vignettes ne tolèrent aucunes faiblesses. Elles témoignent d’un stoïcisme propre à cette terre entêtante et mystérieuse en ses côtes jusqu’en ses landes.

     

    Par fragments Laurent Bourde las donne une leçon de vie. Mais il propose aussi le martèlement sourd, sans la moindre fioriture, de ce qui pourrait être une suite de tables de la loi existentielle. Rien n'est dit que dans l’événement choisi par-delà l’anecdote comme emblématique.

     

    Chaque « histoire » reste en bascule entre terre et mer et entre sentiments disparates comme en témoigne ce paragraphe :

    « Toujours revient le bateau de Groix où mon fils fut conçu ou presque. Les passagers sont tristes, voici la terre ferme ».

    Dans une telle approche l’aporie joue son rôle et le livre reste du même tonneau, de la même tonalité jusque dans les peintures évoquées en fin de livre. Soudain les jacinthes deviennent abstraites et les alignements de Carnac deviennent un « fleuve étrange ».

     

    À qui ne connaît pas encore la Bretagne ce texte sera une invitation au voyage. A qui la connaît il offre une autre vision, une rumeur qu’on ne soupçonnait pas. Bourdelas reste fidèle à sa poésie essentielle dans son mouvement de retour réflexif sur l'existence. Il trouve des mots capables de peupler nous seulement les lieux mais ce dont ils sont nourris pour mieux nous habiter.

     

    « Locmalo » est donc un texte dense. Il donne des raisons de s’apaiser à qui sait soulever le voile des apparences. Le poète y rappelle à qui n'est plus capable de son pays de trouver des territoires qui permettent de le faire tenir vers le temps sans images. Avançant douloureusement et sereinement vers au milieu de ses propres anciennes images, l’auteur les prolonge d’un écho vers celui qu'il est devenu à travers elles. Ajoutons que Bourdelas reste un des rares poètes qui tordent le coup à l'effusion lyrisme. Il tend son écriture vers une fraternité sans fioriture et au cœur de la splendeur du monde dans sa dureté comme dans sa fragilité.

     

    JPGP

     

  • Divagation impénitente

     

    Ivan Watelle

     

     

     

    Éditions Poèmes Épars

    Villeurbanne, non paginé, 19 €

     

    Disponible chez l'auteur:   

    Ivan Watelle    

    Poèmes Epars   

    8, rue Pierre Larousse

    69 100 Villeurbanne  

    http://poemes-epars.over-blog.fr

     

     

    Même lorsque son griffon « tire sa gueule béante » Watelle va de l’avant et se remet en quête de sens - quoique conscient de ses limites et de ses erreurs passées. Certes toutes ses ombres ne se sont pas effacées et ses monstres ne sont pas tous muets. Mais l’auteur, avec le temps, échappe à ce qu’il nomme ses « états de démence précoce ». La poésie est pour beaucoup dans sa « thérapie » même si comme disait Duras « l’écriture ne sauve pas ».

     

    « Âpre comme une limande » Watelle ne s’en laisse pas (ou moins) compter. Il est vrai qu’il est désormais bien accompagné. Une aimante est là pour donner à son ciel de lit des couleurs rosées. C’est un moyen d’éviter d’être ramené à l’animal même si cette femme fait naître des désirs premiers qui ne rendent pas « l’orgasme utilitaire ».

     

    Oui Watelle avance. Désormais « dans le mauve de son âme » il pourchasse l’idée d’un supplice humain. Se replient les délices du néant et les trop éphémères pensées. « Divagation Impénitente » est à ce titre un texte majeur : tranche de vie il n’a rien d’un déboutonnage égocentré. Le lire et le relire est une manière de nous remettre sur les rails de la vie contre les forces du « mâle » comme celles des Dieux (du moins ce qu’on en fait).

     

     

    Jean-Paul Gavard-Perret

  • La Revue Incertain Regard au format numérique

    Un numéro 0 de la revue Incertain Regard au format numérique paraîtra vers novembre 2009. Sous la forme d'un livre électronique les numéros paraîtront semestriellement. Incertain Regard édite de la poésie exclusivement. Vous pouvez nous faire parvenir un minimum de 4  à une dizaines de textes, inédits de préférence. En suivant ce lien

    http://www.incertainregard.fr/PageLaRevue.htm

    vous trouverez les informations pour nous faire parvenir vos textes.

    Cordialement

    Hervé Martin

  • 40 POÈTES POUR TARDIEU

    POETES TARDIEU.jpgFrédérique Martin-Scherrer

     

     

     

    Éditions Calliopées

     

     

    N° ISBN : 978-2-916608-13-6

    Date de parution : fèv 2009

    Nbre Pages :      105        

     

     

    À, sur ou à partir de Jean Tardieu, c’est l’unique consigne à laquelle devaient se tenir les auteurs qui avaient reçu de Frédérique Martin-Scherrer cet appel à la contribution de textes autour de Jean Tardieu. Tandis que le Printemps des Poètes 2009 célébrait Tardieu, l’occasion était belle de vouloir rassembler des contributions dans un livre afin d’estimer ce que représente son œuvre pour les poètes d’aujourd’hui. Textes, lettres, poèmes sont donc rassemblées dans ce numéro un des Cahiers Jean Tardieu, qui est publié aux éditions Calliopées. Cette publication remplace T.R.P. (pour textes, recherche et diffusion) et poursuit le travail entrepris autour de l’œuvre du poète par l’association Jean Tardieu, présidée par Serge Gobert.

     

    Les contributions des poètes rendent hommage, chacun à leur manière, à Jean Tardieu. C’est une lettre, un poème, un texte de souvenirs ou une réflexion qui font écho à l’œuvre. Parfois même, dans une forme à la Tardieu qui évoque les mots, un livre ou la vie de ce Monsieur Jean dont Jean-Baptiste Para semble dans son texte décrire l’univers. Autant de créations différentes qui éclairent sous les auspices de l’amitié (André Balthazar, Philippe Jaccottet, Jean Pérol…), de la reconnaissance (Max Alhau, Jean-Luc Maxence…) ou de l’humour (Luis Mizon, Jean-Pierre Verheggen…) l’univers et l’œuvre de Jean Tardieu. L’énigmatique est également présent avec le texte d’Annie Cohen au titre renvoyant au livre Le professeur Frœppel et au mur des lamentations… Un texte elliptique, allégorique usant du jeu de reflets et d’images. Béatrice Libert et Christophe Manon répondent, à la manière de, l’une avec des énoncés poétiques et drôles, le second de façon plus symbolique, avec un dessin géométrique noir et blanc comme labyrinthique, quand Jean-Luc Parant et Jacques Demarcq explorent l’univers de Tardieu y mêlant la singularité de leur écriture,  usant d’une méthode d’appropriation riche et sentie.

     

    Il faut lire ou relire Jean Tardieu, dans tous les registres allant de l’humour à la gravité, dans l’équivoque, dans les multiples sens qui émanent de ses livres : Monsieur, Monsieur, Le Professeur Frœppel, Le Fleuve caché, Une voix sans personne, Comme ceci comme cela… Car c’est bien là le rôle d’une œuvre, celui ne pouvoir être circonscrite par des limites qui l’enfermeraient. Une œuvre est intarissable et son questionnement à jamais inachevé, et c’est je crois ce que nous a laissé Jean Tardieu. Peut-être convient-il de refermer le livre sur le texte d’André Balthazar qui nous rapporte une anecdote, où parmi les reflets et les ombres émanant de l’œuvre, Jean Tardieu,   intérieurement tout remué,     encore sous le coup d’une émotion, nous apparaît comme présent.

     

    HM